Cinq types de diabète, et non deux ?
Des scientifiques pensent qu’il n’y aurait pas 2 types de diabètes mais au moins 5. Cette précision pourrait permettre, à termes, une prise en charge plus personnalisée des malades.
Type 1 ou type 2. La maladie diabétique répond pour le moment, dans les livres de médecine, à une classification binaire. Le type 1, une forme auto-immune qui détruit les petites "usines" du pancréas chargées de la fabrication de l’insuline, concerne 10% des patients. Tous les autres cas sont regroupés dans le "type 2". Il est très souvent imputé à une mauvaise hygiène de vie : le pancréas libère correctement l’insuline, mais les cellules du corps font "de la résistance" à cette insuline (on parle d'insulinorésistance). Il en résulte une demande accrue d’insuline, à laquelle le pancréas, hyper-sollicité, répond, avant de finir par s’épuiser. La maladie apparait de manière progressive et insidieuse. Dans tous les cas, le diabète expose à un important risque de complications, qui peuvent être nerveuses, oculaires ou encore rénales.
Cinq types de diabète distincts, différents risques de complications
Mais peut-être cette façon d’envisager la maladie repose-t-elle sur des vieux schémas. Ou tout du moins des schémas trop simplificateurs. C’est ce que laisse entendre une étude, menée par le Lund University Diabetes Center , en Suède et l' Institute for Molecular Medicine, en Finlande, sur 14 775 patients. Les résultats, publiés dans The Lancet Diabetes and Endocrinology, ont montré que les patients pouvaient être séparés en cinq groupes différents. Pour distinguer les patients, les chercheurs se sont intéressés à des critères simples, comme le poids, mais aussi des critères biologiques d’ordinaire peu étudiés, comme l’insulinorésistance ou des facteurs génétiques. A chacun de ces groupes, différents niveaux et natures de complications ont été associés. Les chercheurs semblent, par exemple, corréler une forte insulinorésistance à un risque accru des atteintes oculaires. Un point que saluent les diabétologues. "C’est intéressant d’identifier les patients qui ont les plus forts risques de complications pour pouvoir les suivre de manière spécifique, souligne le Pr Jean-Jacques Altman, endocrinologue à l'hôpital européen Georges Pompidou (HEGP). C’est d’ailleurs le leitmotiv de la diabétologie depuis de longues années.". Le Dr Jean-Michel Borys, endocrinologue au centre des Batignolles Villiers, se réjouit aussi que les connaissances sur le diabète s'affinent. "Ces travaux vont contribuer à une meilleure compréhension de l’évolution de cette maladie qui se traduit par une élévation de la glycémie mais qui a des causes très différentes: auto immunité dans le diabète de type 1 et certains type 2, manque d'insuline, insulinorésistance. Le microbiote intestinal, qui fait l'objet de nombreuses recherches, risque aussi de bouleverser toutes ces classifications", explique-t-il.
Un chemin encore très long vers des véritables soins personnalisés
Les auteurs de l’étude évoquent une entrée dans une nouvelle ère de la prise en charge du diabète. Le professeur Leif Groop, un des chercheurs, a déclaré à la BBC: "C'est extrêmement important, nous faisons un réel pas vers la médecine de précision." Pour eux, cette classification rénovée, pourrait amener à proposer aux diabétiques des soins plus individuels. Mais pour certains praticiens, si cette façon de penser la maladie va dans le bon sens, elle ne permet pas encore une médecine personnalisée. "En pratique, les critères biologiques utilisés dans l’étude scandinave sont coûteux à mesurer et ne sont pas utilisés en routine."
Par ailleurs, si à l’avenir il devenait aisé d’identifier à quel sous-groupe appartiennent les malades diabétiques, encore faudrait-il pouvoir leur proposer un traitement adapaté. "Pour l’instant, nous ne disposons pas de traitements qui pourraient cibler les différents sous-groupes, constate le Dr Jean-Michel Borys. On en est juste un peu au-delà de la préhistoire avec, grosso modo, trois types de traitements : l’insuline, les anti diabétiques oraux qui poussent le pancréas à fabriquer de l’insuline ou améliorent les performances de l’insuline et les analogues du GLP, une hormone intestinale qui a des effets sur la sécrétion et la sensibilité à l’insuline." Les fabricants de médicaments n’ont, en plus, que peu d’intérêt économique à développer des molécules qui ne s’adresseraient qu’à une petite frange de diabétiques. "Les laboratoires diront toujours que leurs médicaments sont bénéfiques à tous les les malades, note le Pr Altman. D’éventuels changements majeurs dans les traitements n’interviendront pas, au mieux, avant des dizaines d’années."
A noter que l'étude, réalisée uniquement sur des scandinaves, n’est pas extrapolable au monde entier. Le risque de diabète varie considérablement à travers le monde et les types de maladie pourraient être encore plus nombreux. Le diabète est en tout cas un fléau mondial : il touche environ un adulte sur 11 dans le monde et augmente le risque de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral, de cécité, d'insuffisance rénale et d'amputation des membres.