La cigarette électronique "plus cancérigène que le tabac" : une étude fumeuse ?
En surchauffant, certaines cigarettes électroniques peuvent former d'importantes quantités de formaldéhyde. Les cigarettes électroniques seraient-elles "cinq à quinze fois plus cancérigènes que le tabac", comme l'ont suggéré certains commentateurs d'un article publié le 21 janvier dans le New England Journal of Medicine ?
L'article publié dans le New England Journal of Medicine a été largement reprise dans la presse : des chercheurs de l'Université d'Etat de Portland ont "constaté que du formaldéhyde [pouvait] se former durant le processus de vaporisation des cigarettes électroniques".
Ces "e-cigarettes" sont dotées d'une résistance alimentée par une pile électrique. Les chercheurs ont observé que lorsque le liquide était chauffé à haut voltage (5 volts), le taux de formaldéhyde présent dans la vapeur était beaucoup plus élevé que celui mesuré avec la combustion des cigarettes conventionnelles.
Les chercheurs n'ont en revanche constaté "aucune formation de formaldéhyde" quand les cigarettes testées fonctionnaient à faible voltage (3,3 volts).
Ainsi, un consommateur de cigarettes électroniques qui inhale chaque jour l'équivalent de trois millilitres du liquide vaporisé chauffé au maximum absorberait quelque 14 milligrammes de formaldéhyde. En comparaison, une personne qui fume un paquet de cigarettes papier par jour absorbe environ trois milligrammes de ce cancérigène.
Une problématique bien identifiée…
L'information n'a, en réalité, rien de bien neuf : dès 2005, des études alertaient sur les importantes quantité de formaldéhyde (ou formol) présentes dans la vapeur générée par les dispositifs. Selon une enquête de 60 millions de consommateurs rendue publique en août 2013, ce problème n'a pas été résolu par les concepteurs des e-cigarettes alors commercialisées dans l'Hexagone. L'association de consommateurs expliquait en effet avoir identifié, en laboratoire, des molécules cancérogènes "en quantité significative" dans la vapeur émise par ces dispositifs (lorsqu'ils surchauffaient) : du formaldéhyde, donc, dont les teneurs relevées "flirtaient avec celles des cigarettes conventionnelles", de l'acroléine et de l'acétaldéhyde à des niveaux inférieurs à ceux de la fumée de cigarettes.
De nombreuses études scientifiques, évaluées dans le cadre de travaux de synthèses rigoureux, assènent depuis plusieurs années cette conclusion : il ne serait "pas rare" de trouver dans la vapeur (à des teneurs très variables d'un e-liquide à l'autre, et d'un dispositif électronique à l'autre) du formaldéhyde, de l'acroléine ou encore du méthylglyoxal.
La cause de la production des composés dangereux est, presque toujours, la tension inadaptée de la batterie. "Fabricants […] et utilisateurs de e-cigarettes doivent être conscients de ce phénomène", insistaient des chercheurs japonais fin novembre 2014.
…mais la surchauffe se détecterait aisément
Selon Peter Hajek, directeur de la division sur le tabagisme à la faculté de Médecine et de dentisterie de Londres, les tests de laboratoires permettant de mesurer les taux de produits toxiques dans la vapeur font l'impasse sur un paramètre très important : le goût.
"Quand les fumeurs de cigarettes électroniques surchauffent le liquide cela produit un goût âcre désagréable, ce qu'ils évitent de faire", explique-t-il dans un communiqué critiquant le texte publié dans le New England Journal of Medicine.
L'Association française de normalisation (Afnor) doit proposer en février une norme permettant aux sociétés volontaires de certifier leurs appareils et les liquides qu'elles commercialisent. La mention, dans la notice des appareils, des dangers associés au chauffage trop important du liquide, pourrait être exigée pour obtenir la certification Afnor d'une e-cigarette.
Pour l'heure, aucune norme relative à la limitation du voltage des appareils dans les limites dénoncées par les études n'a été annoncée.
la rédaction d'Allodocteurs.fr, avec AFP