Cannabis : Agnès Buzyn en croisade contre les coffee shops
Le gouvernement veut clarifier la loi, face au boom actuel de coffee shops qui "détournent le droit" pour vendre un dérivé du cannabis.
Les nombreux coffee shops qui pullulent depuis quelques semaines dans la capitale passeront-ils l'année ? Rien n'est moins sûr. La ministre de la Santé a en effet annoncé vouloir mettre fin à l'ambiguïté juridique sur laquelle surfent ces nouvelles boutiques. A la question "auront-ils fermé dans quelques mois", la ministre a répondu : "Je pense qu'ils auront fermé."
Une zone grise juridique
Que nous apprend la loi sur cette question sensible ? Selon le droit, le chanvre peut être utilisé à des fins industrielles quand il contient moins de 0,2 % de THC (substance active du cannabis). Autrement dit, l'utilisation du chanvre, courante notamment pour confectionner des produits cosmétiques, des textiles voir des médicaments, est limitée par ce taux de 0,2 %. En revanche, une utilisation récréative (même lorsque le produit contient moins de 0,2 % de THC) du cannabis reste interdite par la loi. Agnès Buzyn l'affirme : " Ces magasins ont détournés le droit en disant que leur cigarette contient moins de 0,2 % de THC. Aujourd'hui, toute vente de cannabis à usage récréatif, quelque soit la dose, est condamnable par la loi".
Les produits proposés par les coffee shops sont fabriqués principalement avec du cannabidiol (CBD). C'est le second cannabinoïde le plus important après le THC. Même si le CBD n'est pas considéré comme un stupédiant, comme le THC, son utilisation est réglementée. La mission de lutte interministérielle contre les drogues et les conduites addictives précise (MILDECA) : "La réglementation française prévoit que toutes les opérations concernant le cannabis sont interdites, notamment sa production, sa détention et son emploi. Dès lors, tout produit contenant du cannabidiol extrait de la plante de cannabis est interdit sauf s’il entre dans le cadre de la dérogation ci-après mentionnée". Cette dérogation contient trois axes principaux : les variétés de chanvre autorisées figurent sur une liste déterminée, seules les graines et les fibres peuvent être utilisées (l'utilisation des fleurs est interdite), la plante doit avoir une teneur inférieure à 0,2 % en THC.
Face à l'engouement pour ces nouveaux coffee shops, la ministre de la Santé a promis de préciser la loi conjointement avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : "il va falloir qu'on revoie la législation et revoir comment on met de l'ordre dans tout cela", a-t-elle dit. Cette même direction générale insiste sur le fait "qu'aucune vertu thérapeutique ne peut être revendiquée notamment par les fabricants, vendeurs de produits, contenant du cannabidiol (CBD)."
Une ouverture vers la légalisation ?
Concernant le cannabis thérapeutique, la position du gouvernement est claire, celle de la ministre l'est tout autant : "je ne suis jamais hostile à ce qui peut soulager les douleurs (...) Je suis contre la légalisation du cannabis parce que je pense que c'est un produit toxique et dangereux, qui entraîne des troubles cognitifs majeurs chez des jeunes, un grand nombre d'accidents de la route... Et on n'est pas en train de lutter comme des fous pour faire en sorte que les Français arrêtent de fumer pour qu'il se mettent à fumer du cannabis!"
En matière de santé publique, la décision du gouvernement peut sembler à rebours de la dynamique actuelle. L'usage thérapeutique du cannabis se développe partout dans le monde : outre-atlantique par exemple, le gouvernement fédéral canadien a légalisé son usage depuis 2016. Son voisin américain connaît ces mêmes ouvertures avec, en figure de proue, la Californie en 2017. En France, le cannabis thérapeutique est limité à des traitements contre la sclérose en plaques et la spasticité. "On peut extraire les molécules anti-douleur du cannabis pour en faire des médicaments (...) on a déjà l'arsenal thérapeutique", explique la ministre. Mais aujourd'hui, de nombreux malades, en particulier ceux souffrant de douleurs réfractaires aux traitements disponibles souhaiteraient pouvoir bénéficier du cannabis thérapeutique.
Néanmoins nous sommes peut-être à l'aube d'une petite révolution selon les déclarations de Mme Buzyn : "Soyons cohérents. On est contre l'usage de ces substances psychoactives, mais on peut avoir une exception thérapeutique quand il s'agit de soulager des gens pour lesquels nous n'avons pas de médicaments. Donc nous travaillons à trouver la fameuse ligne de crête permettant d'être dans le rationnel".