Hépatite C : les nouveaux médicaments seront réévalués
L’Agence Européenne du Médicament vient de demander une réévaluation du nouveau traitement contre l’hépatite C, à base d’antiviraux à action directe (AAD). Des soupçons existent en effet sur une possible réactivation du virus de l’hépatite B suite à ce traitement, chez les patients infectés par les deux virus B et C.
Avec un coût d’environ 40.000€ par patient infecté par le virus de l’hépatite C, les nouveaux médicaments que sont les antiviraux d’action directe n’en sont pas moins très efficaces. Alors que les anciens traitements (interféron et interféron couplé à la ribavirine) avaient une efficacité de 40 à 80%, ces nouvelles molécules permettent d’obtenir une guérison dans 85 à 100 % des cas.
Mais l’Agence Européenne du Médicament vient de demander une réévaluation de "l’étendue de la réactivation de l’hépatite B chez les patients traités par des AAD contre le virus de l’hépatite C, et de se prononcer sur la nécessité de mesures destinées à optimiser le traitement ".
Plusieurs études récemment publiées viennent en effet de mettre en évidence une possible réactivation du virus de l’hépatite B (HBV) chez des patients co-infectés par le virus de l’hépatite C (HCV) et ayant reçu un traitement à base d’AAD.
Selon le professeur Patrick Marcellin, hépatologue à l’hôpital Beaujon, en banlieue parisienne, ce problème " était connu aussi avec les anciens traitements avec interféron et interféron-ribavirine : à partir du moment où on inhibe le virus de l’hépatite C, (chez les patients co-infectés par les virus B et C) celui de l’hépatite B reprend le dessus". En effet, " dans les cellules du foie (là où les virus des hépatites se développent), il est difficile d’avoir deux virus qui se multiplient en même temps ; il y a toujours un virus qui domine l’autre et c’est généralement le virus C car il se multiplie plus vite que le B. Si on bloque la multiplication du virus C, celle du virus B recommence donc dans les cellules infectées par le B".
Dans les études citées par l’Agence Européenne du Médicament, l’augmentation de la charge virale, c’est-à-dire la quantité de virus présente dans l’organisme, pour le virus B survient après une rapide diminution de celle du virus C suite aux nouveaux traitements. Chez certains patients, cela s’est traduit par une aggravation de l’état du foie et, pour l’un d’entre eux, il a fallu procéder à une greffe hépatique. Selon le Pr Marcellin :" la réactivation peut entrainer une réaction immunitaire contre le virus B, réaction qui va aboutir à l’élimination des cellules hépatiques infectées par le HBV actif ; cela correspond alors à une hépatite aigüe B qui peut être fulminante et nécessiter dans certains cas une transplantation du foie".
Avec les anciens traitements, qui comprenaient de l’interféron, ce phénomène se produisait peu car cette molécule possède un effet inhibiteur empêchant la multiplication du virus de l’hépatite B. Ainsi, "tant que le patient prenait de l’interféron, on inhibait le HBV et le HCV en même temps" souligne le Pr Marcellin. Et le spécialiste de rappeler que, "dans les recommandations formulées par l’European Association for Study of Liver, on recommandait de couvrir le risque en donnant en même temps que le traitement contre le virus C, interféron-ribavirine, un traitement contre le virus B que l’on prolongeait après l‘arrêt du traitement du virus C. Cela permettait d’empêcher que le virus B ne se réactive".
L’EMA a donc demandé à son Comité d’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de se pencher sur la question en réévaluant la balance bénéfices-risques de l’utilisation des nouveaux traitements actuellement mis sur le marché (Daklinza®, Exviera®, Harvoni®, Olysio®, Sovaldi® et Viekirax®) et de formuler de nouvelles recommandations pour leur utilisation. Les résultats de cette réévaluation sont attendus au plus tard pour le 28 février 2017.
Environ 350 millions de personnes sont porteuses du virus de l’hépatite B dans le monde et 160 à 170 millions sont infectées par le virus de l’hépatite C. Les chiffres exacts de la co-infection par les virus B et C sont inconnus mais on estime qu’en Europe occidentale et aux Etats-Unis elle est probablement inférieure à 10%.