Endométriose : le collège des gynécologues réclame l’ouverture de centres dédiés
Cette maladie toucherait de 10 à 20% des femmes en âge de procréer. Pourtant, très peu de malades bénéficient d’une prise en charge adéquate.
Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a décidé de "ne rien lâcher" : vendredi 23 novembre, il lance un appel solennel à l’Etat pour créer des centres de soins et de recherche sur l’endométriose dans toute la France. Cette maladie toucherait 10 à 20% des femmes en âge de procréer, mais très peu de praticiens ont suffisamment de connaissances sur le sujet. Pour les rares femmes diagnostiquées, c’est donc la double peine : celles-ci ressentent une souffrance physique intense et subissent "une errance diagnostique et thérapeutique". Une des solutions pour le CNGOF serait donc de créer des centres dédiés. Car pour le moment, il n’en existe aucun.
Entretien avec le Pr Hervé Fernandez, gynécologue-obstétricien diffusé le 22 novembre 2018.
"On nous a dit « c’est simple, ces centres, on ne les fera pas »"
Comme l’explique le CNGOF, soutenu par les praticiens spécialisés et les associations de malades, il faudrait mettre en place un ou deux centre(s) par région. Un centre expérimental a déjà ouvert en 2015 à Rouen. Il regroupe notamment des gynécologues médicaux et chirurgicaux et des spécialistes de la procréation médicalement assistée (PMA), mis en relation avec des praticiens de la région. Ces derniers peuvent adresser des dossiers au centre, qui les examine et définit "le meilleur traitement, adapté à la patiente, qui pourra alors s’adresser au professionnel le plus indiqué", note le CNGOF. Ces centres doivent en outre permettre de faire avancer la recherche et d’améliorer l’état de la connaissance sur la maladie.
Mais ce modèle n’a pas semblé convaincre la direction générale de l’offre de soins, qui a reçu le CNGOF le 5 juillet dernier. "On nous a dit « c’est simple, ces centres, on ne les fera pas »", relate le Pr François Golfier, qui a piloté le travail de la commission endométriose au sein du CNGOF. Il précise : "Il y a une sorte de blocage, car créer de tels centres nécessiterait de les labelliser, ce qui coûte de l’argent." Le Collège lance donc un appel à candidatures pour créer ces centres malgré tout. "Cela existe en Grande-Bretagne depuis plus de 10 ans !" justifie le Pr Golfier.
Des retards de diagnostic de sept ans
Mais justement, les praticiens spécialisés manquent. En cause, une formation, initiale et continue, qui fait complètement l’impasse sur l’endométriose. "Actuellement, cela n’est même pas au programme de l’examen des épreuves classantes nationales en 6e année de médecine !" s’insurge François Golfier. Pour lui, il est donc difficile de blâmer les médecins, puisque ceux-ci n’ont pas été formés en amont. Les conséquences de cette méconnaissance sont catastrophiques. "Si une patiente dit à son médecin qu’elle a mal mais qu’il n’essaie pas d’évaluer l’intensité de cette douleur, il y a un risque fort de passer à côté d’un diagnostic d’endométriose", constate le gynécologue.
C’est pourtant ce qui se passe la plupart du temps dans les cas d’endométriose : on estime les retards de diagnostic à sept ans en moyenne. Sept ans de douleurs mensuelles invalidantes qui affectent largement la vie des femmes touchées. Le Pr Golfier évoque des "douleurs à 10/10" qui empêchent les malades d’étudier, de travailler ou de se reposer. D’où de graves perturbations psychiques. Malgré les blocages institutionnels, le CNGOF veut donc rappeler qu’il "reste à l’écoute des femmes", et qu’il va "continuer dans cette démarche", conclut François Golfier.