Ménopause : Le traitement hormonal substitutif reste controversé
Le traitement hormonal substitutif (THS), accusé d'augmenter les risques de cancer du sein, thrombo-emboliques et cardio-vasculaires, serait-il un innocent bafoué pendant de longues années ? C'est ce que porte à croire, coup sur coup, deux études, l'une danoise publiée le 9 octobre 2012 dans la revue British Medical Journal (BMJ) et l'autre américaine de moindre importance, présentée le 3 octobre 2012 lors du congrès annuel de la Société nord-américaine de la ménopause. Toutes deux s'accordent sur la protection cardio-vasculaire que pourraient offrir les THS et l'une d'entre elles révèle que ce bénéfice ne serait pas au prix d'un risque augmenté de cancer du sein.
Les femmes ménopausées traitées par un THS pendant dix ans présenteraient moins de risque de souffrir d'insuffisance cardiaque, d'infarctus et surtout de mourir d'une maladie cardio-vasculaire. Ce sont les résultats surprenants que vient de publier une équipe danoise.
Les chercheurs ont suivi, pendant seize ans, 1 006 femmes âgées de 45 à 58 ans, la moitié d'entre elles prenant un THS et l'autre n'en prenant pas. Après dix ans de suivi, le groupe de femmes initialement sous THS l'ont arrêté et cela pendant six ans.
Pas plus de cancers du sein sous THS ?
L'équipe de chercheurs a révélé que 33 femmes sans traitement substitutif, contre 16 femmes sous THS, étaient décédées ou avaient présenté un infarctus du myocarde ou une insuffisance cardiaque dans les dix premières années de suivi. Ainsi, les femmes sous THS avaient 50 % moins de risque de présenter un accident cardio-vasculaire.
Quant au cancer du sein, même si 17 femmes sans traitement substitutif contre 10 femmes sous THS en avaient souffert, les résultats ne se sont pas avérés significatifs, selon les auteurs à cause de la trop petite population incluse.
Selon la Société américaine de la médecine reproductive : "Cette étude est d'une grande importance et devrait rassurer des millions de femmes qui se sont tournées vers un traitement hormonal pour soulager les symptômes de la ménopause".
Pourtant, l'étude est loin de faire l'unanimité car elle comporte de nombreux biais méthodologiques. Tout d'abord, les mesures du risque cardio-vasculaire et de cancer du sein n'étaient pas des objectifs de l'étude, c'est en se rendant compte d'un possible bénéfice que les auteurs les ont calculés. De plus, les femmes et leurs médecins connaissaient la nature du traitement, un biais, dit de classement, diminuant le niveau de preuve de l'étude. Enfin, l'étude ne porte que sur 1 000 femmes, un nombre limité qui réduit encore sa puissance.
Ceci étant souligné, même si l'étude reste très contestable, elle a le mérite de relancer un débat qui affronte les chercheurs depuis le début du siècle.
THS : un traitement parfois glorifié, souvent décrié
Un retour dix ans en arrière est nécessaire pour comprendre les suspicions qui entourent le traitement hormonal substitutif, visant à compenser la carence en œstrogène en cause dans la ménopause.
Entre 2000 et 2002, des études randomisées américaines, dont la célèbre Women's Health Initiative (WHI), ont bouleversé l'indication des THS en rapportant un risque accru de cancers du sein et de maladies cardiovasculaires chez les utilisatrices. Depuis lors, le THS est indiqué dans le traitement de troubles climatériques, comme des bouffées de chaleur et des troubles de l'humeur, jugés gênants et prescrit pour des durées limitées en l'absence d'antécédents de cancer du sein et de risques cardio-vasculaires.
Pourtant, plusieurs experts s'étaient immédiatement indignés car seul un type de traitement hormonal substitutif était étudié et la population incluse dans la WHI n'était pas la cible habituelle du THS. En effet, plus d'un tiers des femmes de l'étude avait plus de 74 ans et présentaient de ce fait des facteurs de risques cardio-vasculaires non négligeables, qui pourraient expliquer le surrisque d'accident cardiovasculaire sous THS.
En janvier 2012, une étude britannique remettait en cause les trois principales études ayant scellé le sort du TSH. Sur la base de critères redéfinis, l'étude britannique montrait qu'aucune des études n'était, en fin de compte significative. Ce qui ne signifie pas non plus que le THS est exempt de risques…
En attendant que d'autres études se penchent sur la question, il est possible que médecins et femmes ménopausées posent un regard différent sur ces traitements si longtemps décriés.
Sources :
- "Effect of hormone replacement therapy on cardiovascular events in recently postmenopausal women: randomised trial", BMJ, 9 octobre 2012.
- "Risks and Benefits of Estrogen Plus Progestin in Healthy Postmenopausal Women. Principal Results From the Women's Health Initiative Randomized Controlled Trial", JAMA, Vol. 288 No. 3, 17 juillet 2002.
- "Does hormone replacement therapy cause breast cancer? An application of causal principles to three studies. The Million Women Study", Journal of Family Planning and Reproductive Health Care, 17 janvier 2012.
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