Perturbateurs endocriniens : la France n'investit pas assez dans la recherche
La France n'a pas mis en oeuvre les moyens suffisants pour surveiller et étudier les perturbateurs endocriniens, selon un rapport de l'IGAS.
La liste des substances identifiées comme perturbateurs endocriniens potentiels ou avérés chez l’homme (voir encadré) est longue. Tout comme la liste des effets délétères qui découlent – ou pourraient découler, selon certaines recherches – de l’exposition à certains d’entre eux : baisse de la qualité du sperme, augmentation de la fréquence d'anomalies du développement des organes ou de la fonction de reproduction, abaissement de l’âge de la puberté, accroissement du risque de cancers hormono-dépendants, diabète…
En 2014, une Stratégie nationale pour les perturbateurs endocriniens a été adoptée, dont la pertinence a été saluée par un rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), du Conseil général de l'environnement et du développement durable, et du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux sorti en décembre 2017. Mais le document est moins tendre qu’il n’y paraît, puisqu’il dénonce des moyens financiers "[qui ne sont] pas à la hauteur des enjeux et des coûts pour la santé", et une "forte baisse" des soutiens à la recherche depuis bientôt quatre ans.
Or, rappellent les auteurs du rapport, la recherche sur ces substances est d'autant plus importante que le lien de cause à effet entre leur présence et un effet sanitaire "reste souvent difficile à établir". En outre, certains perturbateurs endocriniens apparaissent avoir des effets parfois plus forts à faible dose qu’à forte dose, rendant les analyses toxicologiques beaucoup plus complexes à mettre en œuvre.
Une surveillance insuffisante des sols et des écosystèmes
Le rapport commandé par le gouvernement décrit également des lacunes dans la surveillance sanitaire et environnementale, "bien organisée" pour les milieux aquatiques et "engagée" pour l'air intérieur, mais "ponctuelle sur l'air extérieur" et "inexistante pour ce qui concerne les sols".
Les experts notent d'ailleurs que les autorités se sont concentrées sur la santé humaine, et pas assez sur celle des écosystèmes également touchés. La faune n'est ainsi pas épargnée (féminisation de populations de poissons, atteintes osseuses chez les phoques...).
Une information "contradictoire" et "inutilement anxiogène"
Ce sujet a pris de l'ampleur récemment dans le débat public, émergeant notamment lors de la dernière campagne présidentielle. Mais si le nombre d'articles de presse a explosé (3.200 en 2016 contre 58 dix ans plus tôt), la population reste insuffisamment informée, selon le rapport qui note des articles parfois contradictoires et "inutilement anxiogènes".
Les experts préconisent ainsi une meilleure information des consommateurs. Dans ce cadre, ils mettent en avant l'expérience du label "ticket sans BPA" mis en place par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) pour les tickets de caisse sans bisphénol A, substance interdite depuis 2015 dans tous les contenants alimentaires.
Un rapport "globalement positif", selon le gouvernement
Malgré toutes ses limites, la Stratégie française apparaît "originale" en Europe, estiment les auteurs du rapport, qui regrettent les "carences de l'échelon européen" en la matière.
Après trois ans de tergiversations, l'UE a adopté en décembre un texte établissant les critères de définition des perturbateurs endocriniens, qui ne satisfait pas pleinement les ONG.
Dans un communiqué, plusieurs ministres, dont Nicolas Hulot et Agnès Buzyn, ont salué un rapport qui souligne les "résultats globalement positifs, qui restent à amplifier" de la Stratégie nationale. Le gouvernement affirme souhaiter débloquer 2 millions d'euros supplémentaires pour la recherche en 2018, et évoque la possibilité d'adopter une nouvelle Stratégie d'ici la fin de l'été 2018.
avec AFP
On désigne sous le nom de perturbateurs endocriniens (PU) des substances qui sont susceptibles d’interférer avec le système hormonal d’une espèce animale donnée. Une substance qui agit comme un PU, à certaines doses, chez une espèce, peut ne pas avoir les mêmes effets chez une autre.