Covid-19 : une épidémie "anxiogène" pour les internes
La moitié des internes confrontés à la crise du coronavirus ont développé des symptômes d’anxiété, près d’un sur cinq des signes de dépression et un sur trois un stress-post-traumatique, selon l’Intersyndicale nationale des internes.
Anxiété, dépression, stress post-traumatique… La crise du coronavirus est difficile à digérer pour les internes en médecine, alerte l'Intersyndicale nationale des internes (Isni) qui publie le 22 mai une étude sur le vécu psychologique de l’épidémie de Covid-19. Selon ce syndicat, "l'épidémie a été très anxiogène pour les internes".
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Cauchemars, colère, anxiété, tristesse...
Cette enquête s’appuie sur les réponses de 892 médecins en formation, interrogés via un questionnaire entre le 20 mars et le 11 mai 2020. Ce questionnaire utilise des outils habituellement employés pour réaliser des études de psychiatrie.
Résultat : "47,1% des personnes interrogées présentaient à la mi-mai des symptômes d'anxiété, soit 15 points de plus qu'en 2017" alerte le syndicat. De même, "29,8% montraient des symptômes de stress post-traumatique, et 18,4% des symptômes dépressifs".
Concrètement, l’impact de la crise du coronavirus sur la santé mentale des internes se traduit par des symptômes variés mais "très présents", selon l’Isni : "cauchemars, impression de ne pas arriver à faire face, ne pas pouvoir en parler, irritabilité, colère, anxiété, tristesse..."
44% des médecins hospitaliers sont des internes
Et pour cause : Les internes en médecine, futurs médecins employés à l'hôpital dans le cadre de stages de fin de cursus, se sont retrouvés en première ligne ces dernières semaines face au coronavirus dans de nombreux établissements. D'après l'Isni, ils représentent actuellement 44% des médecins hospitaliers. "L'arrivée d'un virus inconnu, la réalisation de nouvelles prises en charge de patients dans des états graves, la surcharge de travail, le manque d'encadrement, de tests de dépistage et de matériel de protection ont accru le stress de ces jeunes professionnels", ajoute l'Isni.
"Je sais qu’on me demande d’aller directement me contaminer"
Parmi les différents témoignages recueillis par l’Isni, l’anxiété liée au manque de matériel de protection (masques, blouses, surblouses, gants…) et la culpabilité sont les sentiments les plus souvent décrit par les internes. "Quand on me demande de remettre une surblouse déjà utilisée par l’infirmière, l’aide-soignante et le psychologue, pour aller soigner l’enfant infecté au COVID qui tousse, je préférerais qu’on ne sous-entende pas que c’est protecteur car moi je sais très bien qu’on me demande d’aller directement me contaminer" témoigne par exemple Mehdi, interne en médecine générale en service de pédiatrie en Île de France.
"J’ai paniqué la veille de ma prise de fonction"
Une préoccupation partagée par une interne en chirurgie, qui s’était portée volontaire pour accueillir les patients suspectés de Covid. Mais le fait que les masques soient distribués "au compte-goutte" et que chaque demande doive faire "l’objet d’une négociation" lui a causé "beaucoup d’anxiété". "J’ai même paniqué la veille de ma prise de fonction. L’angoisse d’être exposée et même de renoncer au matériel de protection par crainte de devenir agressive, si on me refuse l’accès à un masque. J’ai donc décidé de ne pas accepter cette fonction d’accueil et de me cantonner à mon service de chirurgie et à mes gardes habituelles" confie-t-elle à l’Isni.
Une pression supplémentaire pour des internes déjà "fragilisés"
Pour cette autre interne en médecine générale, également confrontée à la peur de manquer de matériel, c’est aussi la culpabilité qui a été difficile à gérer, "quand on se dit que non, on n’a pas ni la force ni le courage de se porter volontaire pour être déployé·e sur des services d’urgence ou pour faire des gardes d’étage Covid."
Un sentiment lourd à affronter pour des jeunes soignants, "déjà si fragilisés par un système qui ne tient plus la route, par une pression constante, avec des internes qui se suicident tous les mois" rappelle-t-elle. "On a juste envie de rester confiné·e avec nos proches et de les protéger, de ne pas les surexposer de par notre profession. Mais ça, c’est des pensées inavouables pour un médecin… (…) On continue d’aller travailler donc, avec la boule au ventre, avec nos parents qui s’inquiètent, avec cette pression permanente et encore plus importante" raconte-t-elle encore à l’Isni.