Des experts alertent sur la transmission aérienne du coronavirus
Plus de 200 scientifiques internationaux signalent que le coronavirus peut être transmis par l’air. Ils appellent l’OMS à reconnaître cette voie de contamination et à recommander une ventilation des espaces publics intérieurs.
"Il est temps de s'occuper de la transmission aérienne du Covid-19." C’est l’avis de 239 scientifiques internationaux qui signent le 6 juillet une lettre dans la revue Clinical Infectious Diseases.
Dans ce texte, ils appellent les autorités de santé de la planète, et en particulier l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), à reconnaître que le nouveau coronavirus peut se propager dans l'air bien au-delà de deux mètres et à recommander par conséquent une ventilation vigoureuse des espaces publics intérieurs.
L’OMS, déjà critiquée pour avoir tardé à recommander les masques, est ici accusée de refuser de voir l'accumulation d'indices d'une propagation par l'air du virus qui a tué plus de 500.000 personnes dans le monde en six mois.
Toux, éternuement, parole… et respiration
En effet, à ce jour, les principaux organismes sanitaires mondiaux estiment que le coronavirus est principalement transmis par des gouttelettes projetées par la toux, l'éternuement et la parole. Ces gouttelettes, lourdes, tombent dans un périmètre d'environ un mètre. Soit ces gouttelettes atterrissent directement sur le visage de personnes à proximité, soit elles sont récupérées par des personnes saines, quand leurs mains touchent des surfaces où ces postillons se sont posés. D'où la priorité donnée dans les consignes sanitaires à la distanciation physique, au lavage des mains et au port du masque.
Mais des études, sur le SARS-CoV-2 et sur d'autres virus respiratoires, ont mis en évidence que des particules virales étaient aussi présentes dans des gouttelettes microscopiques (moins de cinq microns de diamètre) dans l'air simplement expiré par une personne infectée.
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Un risque à l’échelle d’une pièce
Plus légères, ces gouttelettes peuvent rester en suspension en intérieur, potentiellement des heures, et être inspirées par d'autres gens. Il n'a jamais été prouvé que ces particules de coronavirus étaient viables et pouvaient provoquer des infections mais les indices s'accumulent, selon les signataires de la lettre.
"Nous appelons la communauté médicale et les organismes nationaux et internationaux compétents à reconnaître le potentiel de transmission aérienne du Covid-19", écrivent les professeurs Lidia Morawska de l'université de Queensland (Australie) et Donald Milton de l'université du Maryland, premiers signataires de l’article. "Il existe un potentiel important de risque d'inhalation de virus contenus dans des gouttelettes respiratoires microscopiques (microgouttelettes) à des distances courtes et moyennes (jusqu'à plusieurs mètres, de l'ordre de l'échelle d'une pièce), et nous prônons le recours à des mesures préventives pour empêcher cette voie de transmission aérienne", poursuivent-ils.
Renouveler l’air le plus possible
Actuellement, il n'y a pas de consensus scientifique que cette voie aérienne joue un rôle dans les contagions. Mais le docteur Julian Tang, l'un des signataires, de l'université de Leicester, répond que l'OMS n'a pas prouvé l'inverse : "L'absence de preuve n'est pas une preuve d'absence."
A l'heure du déconfinement, il est donc urgent, plaident les experts, de mieux ventiler lieux de travail, écoles, hôpitaux et maisons de retraite, et d'installer des outils de lutte contre les infections tels que des filtres à air sophistiqués et des rayons ultraviolets spéciaux qui tuent les microbes dans les conduits d'aération.
Aux États-Unis et en Europe, les autorités sont en avance sur l’OMS. "Augmentez la circulation de l'air extérieur autant que possible", conseillent ainsi les Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) américains.
Le CDC européen a de son côté expliqué le 22 juin que la climatisation pouvait diluer le virus dans l'air et l'évacuer, mais qu'elle pouvait avoir l'effet inverse si le système de ventilation ne renouvelait pas l'air et le faisait recirculer dans les mêmes pièces.
Des exemples en faveur de la piste aérienne
Un exemple de ce phénomène est celui d'un "cluster" démarré dans un restaurant de Canton, en Chine, en janvier. Une personne sans symptôme a contaminé des clients de deux tables voisines, sans contact. C’est vraisemblablement le climatiseur qui a fait voler le virus d'une table à une autre. D'autres cas de super-contagions, dans un autocar chinois et dans une chorale américaine, accréditent aussi la piste aérienne.
"La transmission par l'air de SARS-CoV-2 n'est pas universellement acceptée. Mais notre opinion collective est qu'il existe bien assez d'éléments probants pour appliquer le principe de précaution", expliquent donc les scientifiques.
Ne pas opposer virus transmis par l’air et coronavirus
Mais l’OMS fait toujours la distinction entre les virus transmis par l'air, comme la rougeole et la tuberculose, et les autres. Pourtant, "ce n'est pas un problème de dichotomie", dit à l'AFP une autre signataire, la professeure Caroline Duchaine, directrice du laboratoire sur les bioaérosols à l'université de Laval au Québec. "On fait une erreur si on fait une opposition entre la transmission par des virus comme la rougeole et par le Covid-19", poursuit-elle.
Pour le coronavirus, "ce n'est certainement pas le mode de transmission principal", mais si on veut appliquer le principe de précaution, "il faut ajouter le contrôle de l’air" à l'arsenal sanitaire, insiste enfin la professeure Duchaine. D’autant que cette mesure est souvent facile à mettre en place et peu coûteuse.