Immunité de groupe, confinement ou dépistage ? Quelle est l'efficacité de ces différentes stratégies ?
Face au Covid-19, les pays ont adopté différentes stratégies. Le Royaume-Uni avait notamment envisagé le recours à "l’immunité de groupe", une méthode qui consiste à exposer une majorité de la population au virus pour l’immuniser.
Quelles sont les meilleures mesures pour contrer le coronavirus ? La France, l’Italie ou encore l’Espagne ont finalement opté pour un confinement avec pour objectif d’atténuer et d’étaler le pic épidémique. Ils espèrent ainsi mieux gérer la crise sanitaire et offrir aux malades les meilleurs soins possibles.
Alors que l’efficacité de ces mesures ne pourra être évaluée que dans plusieurs jours voire plusieurs semaines, d’autres pays touchés ont déjà opté pour des stratégies différentes.
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Contrôles et diagnostics massifs
Les voisins de la Chine ont réagi en premier, comme Taïwan qui a notamment surveillé et géolocalisé sa population et Singapour qui a organisé une campagne nationale de contrôle et de diagnostic massif.
Des mesures drastiques "plus faciles à appliquer dans ces pays car ce sont des îles" commentait le professeur Eric Caumes, infectiologue au groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière à Paris, invité du Magazine de la Santé le 16 mars 2020. A cette facilité de contrôle s’ajoute "une distanciation sociale culturellement plus naturelle dans ces pays" notait-il également.
Traquer les cas en Corée du Sud
Autre état asiatique, autres décisions : la Corée du Sud a misé de son côté sur une traque précise de toutes les personnes ayant été en contact avec une personne contaminée. Elle a recherché ces personnes, les a dépistées à raison d’environ 10.000 tests par jour.
Pour chaque cas, le gouvernement a utilisé la géolocalisation des smartphones, les relevés bancaires et les images de vidéosurveillance pour reconstituer les trajets et trouver les contacts. Le gouvernement sud-coréen a également envoyé un SMS aux personnes géographiquement proches d’un nouveau cas.
Une stratégie qui pose question en terme de respect des libertés individuelles et des données informatiques mais une chose est sûre : elle semble payer, puisque la Corée est le pays qui affiche aujourd’hui les meilleurs résultats en terme de ralentissement de l’épidémie.
Royaume-Uni, le choix d’une "immunité de groupe" ?
Au Royaume-Uni, le Premier ministre Boris Johnson avait tout d’abord parlé de miser sur une "immunité de groupe", ou "immunité collective" ("herd immunity" en anglais). Ce choix s’appuyait sur l’hypothèse qu’il était "déjà trop tard pour que des mesures de confinement soient efficaces pour stopper et surtout contrôler l’épidémie" nous explique Serge Morand, directeur de recherche en biologie évolutive au CNRS et spécialisé en émergence des maladies infectieuses.
Dans ce cas, le principe est le suivant : "laisser une large proportion de la population être exposée au virus" pour enrayer sa propagation, car les personnes immunisées ne le transmettent plus. Celles-ci seront alors "protégées contre une deuxième vague épidémique" qui pourrait survenir à l’hiver prochain. Et, de manière hypothétique, les personnes immunisées "protégeraient également la petite proportion qui n’aura pas été exposée à la première vague".
Risquer huit millions d’hospitalisations
Le fonctionnement de cette stratégie est similaire à celui de la vaccination : atteindre un niveau suffisant d’infection et d’immunité pour stopper la transmission du virus et empêcher une nouvelle épidémie. Mais pour que cette "immunité de groupe" fonctionne, elle nécessite qu'au moins 60% de la population soit infectée.
Une méthode valable en théorie et qui fonctionne bien avec les vaccins car ils sont sans danger pour les individus. Mais en pratique, le coût à payer est énorme avec le coronavirus. Déjà parce qu’il s’agit d’un virus émergent, contre lequel par définition aucun individu n’était initialement immunisé. Ensuite parce que le Covid-19 présente un risque de complications sévères voire de décès – plus de 8.240 dans le monde à ce jour.
Dans le cas du Royaume-Uni, le Guardian révélait le 16 mars que si la stratégie de l’immunité de groupe était choisie, 80% des Britanniques pourraient être contaminés. Cela conduirait à près de huit millions d’hospitalisations et l’épidémie pourrait durer un an.
L’immunité de groupe pose également la question de l’impact pour les populations les plus fragiles ? "Quelles vont être les morbidités associées sur les autres pathologies, sur la santé mentale ?" redoute ainsi Serge Morand. "Il est à craindre que les médecins, professionnels de la santé et tout le système de santé publique seront encore mis à contribution en post-crise" ajoute-t-il.
Cesser les contacts "non essentiels"
Face au risque d’une telle stratégie, le ministre de la Santé britannique a donc rejeté cette stratégie et, le 17 mars, le Premier ministre demandait finalement aux Anglais de "mettre fin à tous les contacts sociaux non essentiels et de cesser tous les déplacements non essentiels".
Il déconseillait également tous les voyages et recommandait aux personnes âgées et aux femmes enceintes de s’isoler pendant trois mois, sans toutefois fermer les lieux publics ni interdire les rassemblements. Des mesures d’isolement, certes, mais moins drastiques donc que chez ses voisins européens.
Agir sur les causes, avant les épidémies
Selon Serge Morand, la solution la plus efficace aurait bien sûr été d’agir en amont de l’émergence du Covid-19. "Un virus probablement de chauve-souris, est arrivé de manière « improbable » ou imprévisible dans une grande ville chinoise, hub économique mondial, pour se propager sur toute la planète" rappelle le directeur de recherche.
"Nous devons agir sur les causes et elles résident dans la gestion désastreuses de nos environnements car, sinon, nous allons continuer encore longtemps à traiter les conséquences de ces crises sanitaires avec d’autres crises écologiques, sociales et économiques" s’inquiète finalement le spécialiste.