Masques : Jérôme Salomon pointé du doigt dans la gestion de la pénurie
La commission d'enquête du Sénat sur la crise du covid pointe la responsabilité du directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, dans la pénurie de masques dont a souffert la France au début de l'épidémie.
Où étaient les masques au printemps dernier ? En mars, alors que l’épidémie de coronavirus débutait, la France devait faire face à une pénurie de masques. L’origine de ce manque devient alors une question primordiale qui n’a toujours pas obtenu de réponse claire.
Mais dans un rapport rendu public le 10 décembre, la commission d’enquête du Sénat impute "directement cette pénurie à la décision, prise en 2018 par le directeur général de la santé (Jérôme Salomon, ndlr) de ne pas renouveler le stock de masques chirurgicaux", même si "elle est également la conséquence de choix antérieurs".
Pour la corapporteuse du rapport Catherine Deroche, "des impératifs budgétaires ou la peur d'en faire trop" ont prévalu dans ces décisions.
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Un tournant en octobre 2018
En 2017, le stock de masques chirurgicaux était de 754 millions d’unités. Mais fin 2019, il n’en compte plus que 100 millions, rappellent les sénateurs. Le tournant se situe selon eux en octobre 2018. François Bourdillon, alors patron de l'agence Santé publique France, informe le professeur Jérôme Salomon, numéro 2 du ministère de la Santé, que "613 millions de masques chirurgicaux sans date de péremption acquis au mitan des années 2000 sont non conformes et ne peuvent en conséquence être utilisés".
Il lui est alors indiqué que le stock "se compose désormais de 99 millions de masques chirurgicaux, dont 63 millions périment fin 2019", poursuit le rapport.
Seulement 50 millions de masques achetés
Pourtant, le directeur général de la Santé choisi alors de ne "pas reconstituer" les stocks, "sans en informer la ministre" (Agnès Buzyn, ensuite remplacée par Olivier Véran, ndlr), écrivent les sénateurs.
Selon la commission, le professeur Salomon a "ordonné l'achat de seulement 50 millions de masques (50 millions supplémentaires si le budget le permettait), soit moins que la quantité nécessaire ne serait-ce que pour renouveler ceux arrivant à péremption fin 2019".
Une modification a posteriori du rapport d’experts ?
Pire, les sénateurs l'accusent même d'avoir fait "modifier a posteriori les conclusions d'un rapport d'experts" qui préconisait la constitution d'un "stock élevé, probablement d'environ un milliard de masques chirurgicaux".
"L'analyse de courriels échangés entre la direction générale de la santé et Santé publique France atteste d'une pression directe de M. Salomon sur l'agence afin qu'elle modifie la formulation des recommandations de ce rapport", pour "faire disparaître la référence à la taille du stock", assure la commission.
Cette intervention constitue "un dysfonctionnement grave des pouvoirs publics de notre pays", a commenté l'un des trois rapporteurs, Bernard Jomier.
Les FFP2, disparus depuis 2010
Quant aux masques FFP2, les masques plus protecteurs destinés aux soignants, les sénateurs déplorent aussi une "disparition du stock" au cours des "années 2010", bien avant l'arrivée du Pr Salomon à son poste en janvier 2018. En cause selon eux, "une interprétation contestable et restrictive des recommandations d'experts".
"Défaut de préparation"
Au-delà de la seule question des masques, la commission d'enquête du Sénat dénonce plus largement "un défaut de préparation, un défaut de stratégie ou plutôt de constance dans la stratégie et un défaut de communication adaptée" dans la gestion gouvernementale de cette crise sanitaire inédite.
Elle recommande aujourd’hui la création d'un conseil d'expertise scientifique indépendant et permanent pour conseiller les pouvoirs publics en cas de nouvelles crises.