Pourquoi manque-t-on de masques en France ?
Des décisions gouvernementales prises au début des années 2010 pourraient être à l’origine de la pénurie actuelle de masques, indispensables pour lutter contre le coronavirus.
Se laver les mains, rester chez soi au maximum, limiter les contacts et… porter un masque. Parmi les mesures efficaces contre le Covid-19 figure le port du masque, en particulier pour les soignants exposés et les personnes malades.
Deux types de masque existent : les masques en papier, dits chirurgicaux, uniquement utiles aux personnes malades pour éviter de contaminer les autres et les masques dits "de protection respiratoire" de type FFP2 (pour Filtering Facepiece 2 ou pièce faciale filtrante de niveau 2 en français). Ces derniers sont équipés d’un dispositif de filtration des poussières et des agents pathogènes et protègent donc contre une éventuelle contamination.
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18 masques par médecin et par semaine
Aujourd’hui les consignes sont claires : les masques chirurgicaux sont destinés aux patients qui présentent des symptômes, pour éviter qu’ils ne propagent le virus, tandis que les masques FFP2 sont réservés au personnel soignant pour les protéger des projections d’une autre personne.
A ce titre, la direction générale de la santé (DGS) a émis le 17 mars de nouvelles règles : dans les "zones d’exposition à risque", les autorités sanitaires acceptent de délivrer 18 masques chirurgicaux ou FFP2 par semaine et par médecin, biologiste médical, infirmier et pharmacien, six masques chirurgicaux par semaine pour les sages-femmes à utiliser lorsqu’elles doivent "prendre en charge les femmes confirmées Covid-19" ou encore six masques chirurgicaux ou FFP2 par semaine et par kinésithérapeute, "pour la réalisation des actes prioritaires et non reportables".
30 millions de masques livrés cette semaine
Le tout, "selon les disponibilités". Car la France fait face à une pénurie de masques, même si le gouvernement a indiqué jeudi 19 mars que 30 millions de masques avaient été livrés au cours des trois jours précédents aux pharmacies ou établissements de soins et qu'il a mentionné un stock de 100 millions de masques. Parmi eux, cinq millions de masque des stocks de l’armée françaises cédés au ministère de la Santé pour pallier l’urgence sanitaire. De plus, 250 millions de masques auraient été commandés en fin de semaine dernière pour les 15 jours à venir.
Un stock qui a fondu en 11 ans
Mais depuis le début de l’épidémie, les soignants alertent : les masques manquent et arrivent trop tard, faute de stock. Mais pourquoi une telle situation aujourd’hui ? En 2009, après l’épidémie de grippe A (H1N1), la France avait constitué des stocks de 700 millions de masques FFP2 et un milliard de masques chirurgicaux.
Mais 11 ans plus tard, en février 2020, quand le ministre de la Santé Olivier Véran prend ses fonctions, "il y (a) 150 millions de masques chirurgicaux et aucun masque FFP2", selon le ministre lui-même. La faute, selon lui, à "une décision prise il y a neuf ans", assurait-il le 19 mars au Sénat.
Quand la Chine, premier producteur au monde, était à l’arrêt
En effet en "2011, 2013, il a été décidé que ce milliard de stocks n'était plus indispensable tant les capacités de production mondiales de masques étaient désormais intenses, notamment en Asie", a expliqué le ministre. Un document publié le 16 mai 2013 par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), et citant un avis du Haut conseil de santé datant de juillet 2011, estime en effet que "le dimensionnement des stocks est sous-tendu par", entre autres, "les capacités de fabrication et d'approvisionnement pendant une crise".
Problème, cette année : "la crise sanitaire a frappé la Chine, premier pays producteur au monde" lors de la pandémie actuelle de coronavirus, souligne Olivier Véran.
Ainsi, au moment où la France aurait dû s’équiper massivement en masques pour anticiper les besoins en cas d’épidémie sur son territoire, la Chine était frappée de plein fouet par le virus et ses usines étaient pour beaucoup à l’arrêt. "Les crises sanitaires peuvent parfois entraîner des crises industrielles", a d’ailleurs déclaré Olivier Véran en référence aux fabricants chinois défaillants.
Plus de stock de FFP2 depuis 2011
Le stock vide de masques FFP2, indispensables aujourd’hui aux professionnels de santé, s’explique par une décision prise en 2011 selon laquelle "la France n’avait pas à faire de stocks d’État des fameux masques FFP2" révèle également Olivier Véran.
En 2013, cette nouvelle règle est confirmée. Les stocks favorisent alors les masques chirurgicaux, moins chers et plus simples à stocker. Quant aux masques FFP2, il appartient à chaque employeur, privé et public, d’en constituer ses propres stocks.
Des règles d'hygiène à respecter
Mais attention à respecter des règles d’hygiène strictes si vous portez un masque. Ne le portez pas plus de trois heures, ne le touchez pas après l'avoir mis en place, ne réutilisez pas un masque déjà porté et lavez-vous les mains avant de le toucher. Car manipuler un masque augmente "les risques de transporter le virus de surface à surface" rappelait le directeur général de la Santé Jérôme Salomon le 19 mars.
"Un masque, c’est une technique, c’est réservé à des soignants. On enlève son masque, on manipule son masque, on se contamine en touchant son masque" ajoutait-il avant de conclure qu’il n’y avait "pas d’indication à garder son masque quand on n'(était) pas personnel soignant".