Syrie : Madaya meurt de faim
Les forces de l'ONU ont délivré la petite ville de Madaya, assiégée par le régime de Bachar al-Assad. Le coordinateur humanitaire de l'ONU en Syrie, Yacoub el Hillo, a réclamé le 12 janvier la levée rapide des sièges des villes syriennes, faute de quoi, a-t-il averti, de nombreux habitants risquent de mourir de faim.
Après un tollé international provoqué par la médiatisation de la situation dramatique dans la ville de Madaya (province de Damas), le régime avait cédé en autorisant l'entrée, le 11 janvier 2016, de 44 camions d'aide humanitaire. Cette ville de 42.000 habitants est soumise depuis six mois à un siège hermétique de l'armée de Bachar el-Assad et du Hezbollah libanais. L'ONU, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et du Croissant rouge syrien ont donc pu enfin pénétrer dans la ville pour y apporter de la nourriture, des médicaments et des couvertures.
La population de Madaya, assiégée depuis l'été 2015, souffre de malnutrition et des centaines d'habitants "sont en grand danger de mort" selon Stephen O'Brien, patron des opérations humanitaires de l'ONU.
Le CICR, le Croissant Rouge ainsi que l'ONU ont tenu le 12 janvier des négociations pour l'évacuation de 400 civils malades, mais le porte-parole du CICR à Damas, Pawel Krzysiek, a parlé "d'un processus très compliqué" qui "va prendre du temps".
"Des rapports crédibles disent que des personnes sont mortes de faim. C'est sans comparaison par rapport à d'autres parties de la Syrie", a témoigné le représentant du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR), Sajjad Malik. "Ce que nous avons vu à Madaya ne devrait pas exister à notre époque", a-t-il insisté, soulignant que les habitants manquaient de tout.
Dans un communiqué, Médecins Sans Frontières (MSF) indique que 20.000 habitants (de Madaya) sont privés des biens essentiels à leur survie et 23 patients du centre de santé soutenu par MSF sont morts de faim depuis le 1er décembre 2015. "La situation à Madaya est un exemple extrême des sièges qui sont imposés dans de nombreuses régions de Syrie, tant par le gouvernement syrien que par les groupes d'opposition armés", poursuit l'association. MSF craint que d'autres situations similaires surviennent dans les zones actuellement assiégées.
La situation est aussi "très préoccupante" à Foua et à Kafraya, deux localités chiites encerclées par les rebelles à plus de 300 km de Damas, dans la province d'Idleb (nord-ouest). Vingt et un camions d'aides sont aussi entrés le 11 janvier. Ces localités sont "sans eau potable, sans électricité et sans nourriture", a dit M. Krzysiek. Il devrait y avoir une ou deux livraisons d'aides supplémentaires cette semaine pour les trois localités ainsi qu'à Zabadani, près de Madaya.
Mais ces aides ne suffisent pas car "les besoins sont immenses", a dit M. Hillo, présent à Damas, en souhaitant que "les livraisons continuent dans les mois à venir". "Beaucoup d'autres (Syriens) vont mourir si le monde n'agit pas plus vite" en faveur des quelque 400.000 civils assiégés par l'armée, notamment à Madaya, ou par des groupes rebelles, a-t-il ajouté. À Madaya, il a dit avoir vu des enfants "presque squelettiques", et a dénoncé une "tactique de guerre" utilisée par les pro-Assad.
Pour couvrir l'aide humanitaire à apporter en 2016 à 22,5 millions de civils vivant en Syrie ou aux réfugiés dans les pays voisins, l'ONU a lancé le 12 janvier un appel de fonds de 7,73 milliards de dollars.
Aujourd'hui 13 janvier, l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, rencontre les représentants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité à Genève, en amont de négociations entre régime et opposition censées être lancées le 25 janvier 2016, pour tenter de mettre fin à la guerre.
La guerre en Syrie a été déclenchée en mars 2011 par la répression de manifestations pacifiques réclamant des réformes. Opposant au départ le régime à des rebelles syriens elle s'est ensuite complexifiée avec l'implication de groupes djihadistes ainsi que des grandes puissances. Plus de 260.000 personnes y ont péri et des millions ont été poussées à la fuite.