Comment une myopathie peut-elle être diagnostiquée par erreur ?
En 2008, une patiente de 37 ans venue consulter au centre hospitalier de Nancy pour des douleurs articulaires a apprit qu'elle souffrait de myopathie mitochondriale - une maladie qui entraîne une dégénérescence musculaire. Or, ce diagnostic a récemment été remis en cause. Ce 2 janvier 2015, l'avocat de la patiente a annoncé que sa cliente réclamait 100.000 euros de provision de dommages et intérêts au centre hospitalier.
Il y a sept ans, une habitante de Lunéville (Meurthe-et-Moselle) souffrant de douleurs articulaires a appris de ses médecins qu'elle souffrait vraisemblablement d'une myopathie mitochondriale.
Les myopathies sont des maladies neuromusculaires qui se traduisent par une dégénérescence des tissus musculaires. Le type de myopathie ici diagnostiqué (il en existe plus de 200) n'a que peu en commun avec la myopathie de Duchenne. Les maladies mitochondriales ont en effet pour origine les mitochondries – de minuscules organites qui jouent un rôle clef dans le stockage de l'énergie nécessaire à la vie des cellules.
Quelques mois après ce premier diagnostic, l'une des filles de la patiente vient à présenter "un état de fatigue extrême" qui inquiète les médecins. La myopathie mitochondriale étant une maladie génétique qui se transmet de mère en fille, le diagnostic est étendu à cette seconde patiente.
Les six années suivantes, la mère suit des séances de rééducation à raison de deux jours par semaine, et son logement est réaménagé par un ergothérapeute. Sa fille aurait également bénéficié de lourds traitements.
Anomalies et contradictions
Mais, selon l'avocat de la famille, début 2014, une nouvelle neurologue de l'hôpital de Nancy a repéré "des anomalies et des contradictions dans le dossier médical" de la mère, ce qui a conduit les médecins, après de nouveaux examens, à revoir leur diagnostic initial.
"On lui a dit qu'elle n'avait pas eu de myopathie et qu'il fallait prévoir un sevrage du traitement médicamenteux qu'elle recevait", a affirmé maitre Joffroy à l'AFP. La famille a en effet décidé de saisir le tribunal administratif de Nancy pour demander une expertise sur les effets du traitement inapproprié. Elle réclame également 100.000 euros de provision avant une indemnisation définitive.
"Elle a subi une perte de chance dans l'évolution de sa carrière, puisqu'elle a dû arrêter de travailler. Et nous considérons qu'il n'est pas sérieusement possible de contester le fait qu'il y a eu une erreur de diagnostic", a estimé l'avocat. La pathologie dont souffre effectivement sa cliente n'a pas été déterminée.
Un diagnostic difficile
Dans un communiqué transmis à l'AFP, l'hôpital observe que "les éléments exposés ne semblent pas refléter la complexité des dossiers dont l'examen a été demandé à des experts médicaux indépendants" et refuse de s'exprimer "sur le suivi médical des patients ou sur des procédures en cours".
Interrogée par Allodocteurs.fr, le professeur Isabelle Desguerre, neuropédiatre spécialiste des myopathies à l'hôpital Necker - Enfants malades (Paris), considère que cette affaire n'est pas particulièrement surprenante.
"Pour une myopathie de Duchenne, le diagnostic est aisé : après une première analyse [des tissus biologiques], on réalise une biopsie, et une étude génétique viendra confirmer ou infirmer clairement la présence de l'anomalie caractéristique. Mais dans de nombreux autres cas, le diagnostic se fait autrement. C'est l'observation d'un faisceau d'anomalies qui oriente les médecins vers tel ou tel diagnostic. Mais il ne s'agit pas de diagnostics de certitude".
"Le patient consulte pour des douleurs musculaires, une intolérance à l'effort, une fatigue extrême, et l'on peut être face à des maladies extrêmement différentes", poursuit le professeur Desguerre. "Il peut s'agir d'une inflammation du muscle, d'un problème mitochondrial (un problème de capital énergétique) ou d'autres pathologies dont les causes sont mal connues. On réalise une biopsie, et l'on essaye de déterminer si des anomalies [biologiques] peuvent expliquer les symptômes. Observer des mitochondries d'un aspect anormal orientera le diagnostic. Elles ne sont [toutefois] pas la preuve que l'on est face à une myopathie mitochondriale(1). On oscille entre des diagnostics très peu précis, et il faut être prudent sur l'annonce."
"Il est possible que, [dans le cas de cette patiente lorraine], le fait que sa fille ait présenté une intolérance musculaire à l'effort soit ce qui ait amené les médecins à conclure à cette myopathie héréditaire."
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(1) Par exemple, on peut trouver des mitochondries d'allure anormale dans les biopsies de muscles des cyclistes professionnels, parce que ces mitochondries « travaillent trop ».