Non, la fatigue chronique n'est pas une maladie psychologique
Si ses causes sont encore floues, le syndrome de fatigue chronique aurait bel et bien une signature biologique, selon une étude. Ces résultats confirment bon nombre d'hypothèses, même s'il faut rester prudent sur ses possibles applications diagnostiques.
Epuisement extrême et douleurs, le quotidien des personnes atteintes de fatigue chronique est un calvaire. Cette maladie, souvent considérée à tord comme un trouble psychologique, a en réalité une signature biologique. Une étude américaine, publiée le 27 février dans le journal Science Advances, vient d'en apporter la preuve. Les chercheurs ont testé les niveaux de 51 marqueurs du système immunitaire dans le plasma de 298 malades et de 348 personnes en bonne santé. Ils ont découvert que le sang des patients atteints de la maladie depuis trois ans ou moins comportait des niveaux plus élevés de molécules nommées cytokines. "Le lien semble inhabituellement fort avec une cytokine appelée "interferon gamma", liée à une fatigue qui suit beaucoup d'infections virales" indique l'étude. Les cytokines sont des messagers cellulaires, impliqués notamment dans la réponse immunitaire.
"Cette étude ajoute un élément de plus qui confirme la suspicion d'une anomalie immunitaire dans la fatigue chronique. Elle est bien faite, mais montre ce que l'on pensait déjà" réagit le Professeur Jean-Dominique de Korwin, président du conseil scientifique de l'Association Française du Syndrome de Fatigue Chronique. Sans cause connue, la maladie est depuis longtemps une source d'interrogations auprès de la communauté scientifique. "Même si on observe une anomalie du système immunitaire, on ne peut pas conclure qu'elle est la cause de la maladie" explique le Pr De Korwin.
Un lien avec des maladies auto-immunes ?
Si l'étude est prometteuse, des zones d'ombres restent à éclaircir. Il est encore difficile d'expliquer pourquoi cette anomalie des cytokines disparaît après trois ans de symptômes, "alors qu'on sait que ces symptômes continuent bien souvent au delà de trois ans" ajoute le Pr De Korwin. Par ailleurs, le taux de cytokines dans le sang n'est pas en relation avec la sévérité des symptômes.
Envisager d'utiliser un dosage de cytokines pour pouvoir dépister plus tôt un syndrome de fatigue chronique semble peu probable. "Cette anomalie immunitaire n'est pas spécifique à ce syndrome. On la retrouve aussi dans d'autres maladies auto-immunes" indique le Pr De Kerwin. Néanmoins, cette découverte pourrait soutenir la théorie selon laquelle la fatigue chronique frapperait des patients fragiles, après une infection à un virus, comme celui de la mononucléose. En France, l'Association Française du Syndrome de Fatigue Chronique estime que 150.000 personnes pourraient être touchées par ce trouble, dont un tiers resteront malades à vie.
Source : Distinct plasma immune signatures in ME/CFS are present early in the course of illness. M. Hornig et al. Science Advances, février 2015 DOI: 10.1126/sciadv.1400121