Comment réformer la psychiatrie en France ?
La stigmatisation ou l’invisibilité des patients psychiatriques témoignent d’un défaut de soins adaptés. Pourtant des innovations thérapeutiques sont possibles grâce aux progrès de la recherche selon un récent rapport.
L'Académie nationale de médecine a appelé fin juin à "un plan de mobilisation nationale" pour la psychiatrie, à l'image de ce qui a été fait pour le cancer, afin de "se redonner l'ambition de guérir" les maladies mentales. Pour nous en parler, le Pr Jean-Pierre Olié, psychiatre et membre de l'Académie nationale de médecine, qui a dirigé ce rapport.
Quelle était l'urgence de ce rapport ?
Pr Jean-Pierre Olié, psychiatre : La situation est douloureuse, ces personnes souffrant d’une maladie mentale ont une espérance de vie réduite de plusieurs années, un diagnostic tardif, alors qu’en France nous dépensons beaucoup pour la psychiatrie et que nous avons beaucoup de possibilités.
La recherche avance dans ce domaine, peut-elle aller plus loin ?
Pr Jean-Pierre Olié, psychiatre : Oui, la recherche peut aller plus loin mais elle ne produira un effet que si le stigma sur ces maladies est levé. Elle peut aller plus loin par l’identification d’indices biologiques, qui permettent d’affiner les diagnostics, les pronostics, et de guider les thérapeutiques.
Quelles sont les faiblesses de la psychiatrie en France ?
Pr Jean-Pierre Olié, psychiatre : La psychiatrie a surtout beaucoup de richesses en France, nous sommes dans les pays de l'OCDE en troisième position en nombre de psychiatres. Selon un rapport de la Cour des Compte 110 milliards sont dévolus à la maladie mentale chaque année, et malgré cela les résultats ne sont pas à la hauteur. Il faut donc organiser différemment. Et régler le problème des inégalités territoriales.
Il est troublant de voir que plus de la moitié des personnes qui prises en charge en psychiatrie passe par les urgences. Ils arrivent à l’occasion d’une crise, ça veut dire qu’en amont de la crise, on n’a pas su identifier les symptômes ou mettre en place les conditions d'un traitement.
Quelles propositions faites-vous pour améliorer ?
Pr Jean-Pierre Olié, psychiatre : Il faut réaffirmer le rôle clé du médecin généraliste qui doit orienter et s'assurer du suivi au long cours. Ils doivent s’appuyer sur les maisons des adolescents, car la plupart des maladies psychiatriques commencent à ce moment là, entre 17 et 30 ans, en particulier à la fin de l'adolescence.
Comment améliorer la prise en charge psychiatrique dans les prisons ?
Pr Jean-Pierre Olié, psychiatre : Nous sommes revenus avant le 18ème siècle, les malades mentaux sont enfermés dans les prisons françaises, en même temps que les délinquants qui ne présentent pas de maladie. C’est grave. Aujourd’hui, en France on voit augmenter le nombre d’hospitalisations sans consentement en psychiatrie, selon le rapport de la gestion des centres de privation de liberté, il aurait doublé ces 5 dernières années.