"L’amalgame entre terrorisme et maladie mentale n’a pas de sens"
Le ministre de l'Intérieur a proposé une possible collaboration entre les psychiatres et les renseignements pour lutter contre la radicalisation. Des propos qui ont attisé la colère des associations de psychiatres et de patients.
A la suite des attentats de Barcelone, Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, avait déclaré sur RTL le 18 août dernier, être en train de travailler en collaboration avec la ministre de la Santé Agnès Buzyn pour "identifier les profils psychologiques extrêmement troublés". Il a précisé que "des protocoles" seraient mis en place si "un certain nombre de gens " avaient "des délires autour de la radicalisation islamique". Il y aurait ensuite "un échange avec celles et ceux qui les côtoient". Cette déclaration a provoqué un tollé chez les psychiatres.
Le lien entre maladie mentale et terrorisme n’est pas avéré
David Gourion, psychiatre à l’hôpital St Anne, a publié une tribune dans le Monde du 21 août déclarant que "les psychiatres n’ont pas vocation à collaborer avec le ministère de l’intérieur". Il explique tout d’abord que "cette idée repose sur une assertion scientifiquement fausse : le lien entre maladie mentale et terrorisme n’est pas avéré".
Pour le Dr Jean-Jacques Bonamour, président de la Fédération Française de psychiatrie, "la distinction entre maladie mentale et troubles psychiques est fondamentale". En effet, la maladie mentale relève de la pathologie et donc de soins médicaux ce qui n’est pas le cas des troubles psychiques ou psychologiques. Le Dr Maurice Bensoussan, président du Syndicat des psychiatres français explique que la "psychologie n’appartient pas au domaine médical mais à celui des sciences humaines. A la différence de la psychiatrie, qui même si elle comporte de la psychologie, est une discipline médicale."
Cette confusion entre pathologie mentale et terrorisme a aussi fait bondir l’association de patients de l’Union nationale des familles et amis de personnes malades et ou handicapées psychiques (Unafam) qui se bat depuis des années contre cet amalgame dangereux. "La psychiatrie est une discipline médicale, elle n’est pas l’antichambre des prisons", écrit-elle dans un communiqué du 25 août. Le Dr Bonamour précise que les patients atteints de pathologies mentales n’ont pas plus de risque de devenir terroriste que la population générale, au contraire ils en seraient plus victimes.
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Collaborer avec la police serait contraire au code de déontologie
Le président du Syndicat des psychiatres français, le Dr Maurice Bensoussan, a déclaré que "faire l’amalgame entre terrorisme et troubles mentaux était méconnaître le corps médical et la justice". "Le code de déontologie représenté par l’ordre des médecins s’est clairement opposé à la proposition du ministre rappelant qu’il est clairement interdit de briser le secret médical sur la base de soupçon. "Les règles sont bien définies : les médecins peuvent collaborer avec la justice et informer le préfet en cas de danger imminent ou de manipulation. Si on va plus loin que ces dérogations au secret médical, on risque les dérives d’un régime totalitaire", précise le psychiatre. Le collectif de psychiatres de Lille, Psylab, qui diffuse des vidéos sur internet afin de présenter la psychiatrie de façon ludique, explique très bien en quoi "le terrorisme est de l’ordre de la morale, du Mal" et "n’a rien à voir avec le soin".
"L’amalgame entre terrorisme et maladie mentale n’a pas de sens d’un point de vue scientifique, juridique et moral", déclare le Dr Bonamour. En effet, "une collaboration entre soignants et police qui feraient fi des règles établies de longue date, serait un atteinte au fonctionnement démocratique. La radicalisation est un sujet très difficile et inquiétant qui fait déjà l'objet de travaux en cours sur la prévention mais c'est avant tout un problème politique et non pas psychiatrique. Les actes terroristes poussent les états qui en sont victimes à devenir radicaux et à rompre avec les principes fondamentaux des sociétés occidentales", conclut-il.