Sevrage alcoolique : quel bilan pour le baclofène ?
En mars 2014, le baclofène a été temporairement autorisé par l'agence du médicament (ANSM) "pour le traitement de l'alcoolodépendance des patients en échec des traitements disponibles". Un an plus tard, l'agence dresse un bilan, sur la base des données de suivi disponibles.
Le baclofène est un relaxant musculaire, bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) depuis 1974 pour le traitement de la spasticité (contraction involontaire) des muscles. Suite à deux essais cliniques, l'agence a formulé mi-mars 2014 une recommandation temporaire d'utilisation (RTU, voir encadré) pour ce médicament.
Un portail électronique, destiné aux professionnels de santé, a été mis en place pour permettre un suivi de cette RTU. L'ANSM note qu'au 20 mars 2015, "un peu plus de 5.000 patients ont été enregistrés sur [ce] portail". Un chiffre étonnamment faible "au regard de l'estimation de l'ensemble des patients traités".
L'analyse des données relatives aux 6 premiers mois de RTU vient d'être rendue publique par l'ANSM. Sur cette période, seuls 3.570 patients ont été enregistrés par 679 médecins – principalement des médecins généralistes (45 %), des médecins addictologues (32 %) et des psychiatres (13 %).
Un suivi pour 57% des dossiers
Un peu plus de la moitié des patients (2.032, soit 57 %) ont effectué "au moins une visite de suivi". Concernant ces patients, les données recensées "montrent une diminution moyenne de la consommation journalière d'alcool" de 56 g/j chez les patients en initiation de traitement (2 patients sur 5) et de 15 g/j chez ceux déjà traités par baclofène avant le début de la RTU (3 sur 5). A noter que 163 patients (8%) ont arrêté le traitement.
Parmi les patients qui avaient déjà un traitement en cours par baclofène, "46 % étaient abstinents à la dernière visite renseignée dans le portail", explique l'ANSM. Chez ces patients, le score indiquant le besoin irrépressible de consommer de l'alcool (craving) aurait "évolué favorablement" pour chez 45 %.
Ce score de craving aurait également diminué pour 74% des nouveaux utilisateurs de baclofène. L'ANSM note qu'alors que seuls "12 % de [ces] patients en initiation de traitement" étaient abstinents au début du suivi, ils étaient "32 % lors de la dernière visite de suivi".
Effets indésirables
14 % des patients ont rapporté "au moins un effet indésirable(1)". Selon l'analyse de l'ANSM, 9 de ces 14% pourraient effectivement être liés au baclofène. "Pour 1,1 % de l'ensemble des patients", il s'agissait "d'effets indésirables graves"
Selon les données issues de la plateforme de suivi de la RTU, les effets indésirables les plus fréquents étaient :
- de nature neurologique (3,9 % des patients), notamment des convulsions (0,2 %), et
- de nature psychiatrique (2,9 % des patients), notamment des troubles anxieux (0,5 %), une dépression majeure (0,3 %) et des idées suicidaires (0,2 %). Les effets indésirables rapportés sont conformes à ceux répertoriés dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) des spécialités à base de baclofène et aux signaux identifiés dans le cadre du suivi national de pharmacovigilance de baclofène.
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(1) L'ANSM rappelle que "tout effet indésirable suspecté d'être dû à un médicament doit être déclaré à un centre régional de pharmacovigilance (CRPV)". Les cas d'abus et de pharmacodépendance graves doivent quant à eux être signalés à un centre d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance (CEIP).
Pour en savoir plus sur le baclofène :
- Sevrage alcoolique : pourquoi le baclofène ne fait-il pas l'unanimité ? question/réponse du 5 novembre 2014
- Sevrage alcoolique : pourquoi des spécialistes refusent-ils de prescrire le baclofène ? question/réponse du 5 novembre 2014
- Dépendance alcoolique : le baclofène sera remboursé, article du 13 juin 2014
- Alcoolisme : le baclofène autorisé, article du 17 mars 2014
- Sevrage alcoolique : le Baclofène, un médicament miracle ? article du 25 janvier 2012
Une recommandation temporaire d'utilisation (RTU), valable trois ans, peut être prise par l'ANSM lorsqu'il n'existe pas d'alternative thérapeutique appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché pour une pathologie donnée.