Fin de vie : le cas Nicolas Bonnemaison rejugé en appel
Comment gérer la toute fin de vie... Le débat revient devant la justice ce lundi 12 octobre avec le procès en appel à Angers de Nicolas Bonnemaison. L'ex-urgentiste est accusé de sept cas "d'empoisonnement" auprès de patients âgés, incurables et en phase terminale.
Nicolas Bonnemaison avait été acquitté en juin 2014 par la Cour d'assises de Pau, au terme d'un procès long (11 jours), à la fois émouvant et éprouvant pour tous, acteurs et observateurs. Le Parquet général avait fait appel, et Nicolas Bonnemaison est donc rejugé, jusqu'au 24 octobre 2015, cette fois devant la Cour d'assises d'appel du Maine-et-Loire.
"Acharnement judiciaire déraisonnable", comme l'a clamé la défense au moment de l'appel ? Besoin de rectifier un "sentiment d'inachevé" du verdict de Pau, comme l'a espéré une des familles de victimes parties civiles ? Ou besoin de la justice de rappeler "qu'on ne peut, de manière clandestine et solitaire, abréger la vie d'une personne qui ne le demande pas", comme l'analysa le député (LR) Jean Leonetti, père d'une loi sur la fin de vie (2005) ?
Quels que soient les motifs de l'appel, les crimes dont Nicolas Bonnemaison a été acquitté en première instance et pour lesquels il est à nouveau jugé sont passibles de la réclusion criminelle à perpétuité.
Médecin "jusqu'au bout du bout"
L'ex-urgentiste est accusé d'avoir, entre mars 2010 et juillet 2011 dans son unité du Centre hospitalier de la côte basque à Bayonne, injecté des produits létaux à sept patients âgés, incurables, et dont on avait arrêté les traitements. Des injections dont ce médecin - décrit par les experts-psychiatres comme "hyper-compassionnel" au point d'être "pas assez lucide" -, n'avait informé ni soignants, ni familles. Des actes qu'il a défendus aux assises, disant avoir agi en "médecin comme je le conçois", médecin "jusqu'au bout du bout".
Le "mal" au nom du bien
Aucune des familles des victimes n'a porté plainte, mais deux s'étaient constituées parties civiles, dont celle de Catherine Iramuno, 86 ans, décédée après que Nicolas Bonnemaison lui eut administré de l'hypnovel (sédatif), sans informer la famille. Le fils et la belle-fille Iramuno attendent à Angers "des explications et une condamnation", a indiqué à l'AFP leur avocate, Valérie Garmendia.
Seize mois ont passé depuis le procès de Pau. L'Ordre des médecins a radié Nicolas Bonnemaison fin 2014, malgré son acquittement, une sanction confirmée par le Conseil d'Etat. Un recours contre cette décision est cependant en cours à la Cour européenne des droits de l'homme. L'ex-urgentiste a néanmoins retrouvé un poste "non médical" à mi-temps à l'hôpital de Bayonne, un emploi qui lui fait "énormément de bien", selon son avocat.
Une loi en cours d'évolution
La loi sur la fin de vie, elle, a évolué ou est sur le point de le faire. Il y a quelques jours, l'Assemblée nationale a adopté en deuxième lecture une proposition de loi instaurant un "droit à la sédation profonde et continue", un endormissement jusqu'au décès pour les malades incurables et au pronostic vital engagé à court terme.
Père de cette proposition de loi (avec le socialiste Alain Claeys), le médecin Jean Leonetti viendra témoigner à Angers, comme plus de 60 témoins présents à Pau. Parmi eux, des familles de victimes, du personnel soignant... Et aussi d'anciens ministres, Bernard Kouchner (Santé) et Michèle Delaunay (Personnes âgées), qui avaient rendu au premier procès un vibrant hommage à ces médecins "d'en-bas" qui, face à la souffrance et à la fin de vie, assument une "décision solitaire" de "transgresser".
En ne requérant que cinq ans de prison, avec sursis possible sur l'intégralité, l'accusation à Pau avait traduit l'inconfort de ce procès d'un médecin dont la "volonté n'était pas de faire le mal (...) mais pour faire le bien, au regard de la loi, il a fait le mal", selon les termes employés par l'avocat général lui-même. La Cour d'assises du Maine-et-Loire va être confrontée pendant deux semaines à cet équilibrisme-là.