Affaire Lactalis : "Si un produit est contaminé, on ne le saura jamais"
L’association qui avait défendu les victimes du lait contaminé aux salmonelles réclame l’ouverture d’une enquête judiciaire suite aux révélations d’une investigation menée par Disclose.
Après l’affaire des salmonelles dans le lait en poudre en 2017, le groupe Lactalis se retrouve à nouveau au coeur de la tourmente. Une enquête menée par le média d'investigation Disclose a révélé des méthodes frauduleuses, d’un point de vue environnemental mais aussi sanitaire.
Les précisions de Quentin Guillemain, fondateur de l’Association pour la Santé des Enfants victimes du lait contaminé aux salmonelles.
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Pourquoi demander cette enquête ?
Quentin Guillemain : Les révélations de Disclose sont assez explicites... Des témoignages internes à Lactalis disent qu'un mouillage de lait est réalisé par un certain nombre d’entreprises du groupe. Cette pratique consiste à diluer du lait dans de l’eau pour minorer les coûts. De plus, ils révèlent que l’entreprise utilise pour la consommation humaine des produits qui devraient être utilisés pour la consommation animale, voire détruits. Des documents publiés par les journalistes montrent que tout cela est organisé par le groupe lui-même, à un niveau industriel. Ca dépasse l’entendement.
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Qu’est-ce qui a changé depuis la première affaire Lactalis ?
Quentin Guillemain : Depuis cette date, d’autres affaires moins médiatisées que la nôtre ont eu lieu. Je pense à une usine espagnole qui produisait du lait Lactalis, contaminée à la salmonelle, et dont les produits ont été vendus en France. Elle était dans la même situation que la première usine, celle de Craon. Rien n’a évolué, c’est toujours l’entreprise qui choisit de signaler ou non un problème. Les moyens de contrôle de ces entreprises, en particulier les moyens humains, étaient déjà insuffisants. Et aujourd’hui, on a supprimé des postes par centaines. Trois ans sont passés, mais on n’a tiré aucune leçon de cette affaire. Je trouve qu’on ne dépense pas l’énergie nécessaire face à des industriels qui pèsent beaucoup et à qui on ne demande pas assez.
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Qu’attend votre association désormais ?
Quentin Guillemain : Les analyses sanitaires réalisées par l’entreprise pour son propre compte devraient être systématiquement transmises aux autorités. Actuellement, si un produit est contaminé et qu’on ne le met pas en vente, personne ne le saura jamais. Cela pose problème car un seul nettoyage n’empêche pas les contaminations. Pour la salmonelle, il faut désinfecter toutes les pièces de la chaîne de production une à une. On parle de semaines d’arrêt de production. Si on transmet toutes les analyses, on peut savoir si le nettoyage est fait correctement.
Nous questionnons la capacité de l’Etat à contrôler ces entreprises, d’un point de vue sanitaire et environnemental. D'après nous, la santé doit prévaloir sur l’économie. 40 millions de subventions publiques ont été donnés à cette entreprise pour se mettre aux normes environnementales. Elle continue allègrement à polluer, il faut que l’immunité cesse.