Prison des Baumettes : « Un milieu fermé qui est un milieu encore plus criminogène. »
Les documentaristes Alice Odiot et Jean-Robert Viallet sont venus nous présenter "Des hommes", un film remarquable sur la vie des détenus de la prison des Baumettes à Marseille, en salle aujourd'hui.
« C'est une première. On s'est concentré sur un endroit précisement de la prison qui est le bâtiment de détention, là où les gens vivent», explique Jean-Robert Viallet. On n'est pas au parloir, on n'est pas dans les ateliers [...] On est dans les cellules.» Avec Alice Odiot, il a réalisé «Des hommes». Ce documentaire exceptionel raconte les 25 jours qu'ils ont passé dans la célèbre prison des Baumettes à Marseille, en immersion. Ils mettent au jour cet univers délabré et le quotidien des détenus qui, pour la plupart, n’ont pas 30 ans et sont enfermés 22h30 sur 24 dans une cellule à plusieurs.
Les détenus avaient besoin "de parler, se montrer, nous raconter"
Au milieu de ce surpeuplement et de la vetusté des bâtiments, les documentaristes ont vite senti qu'il y avait une urgence et un besoin des détenus de témoigner de leurs conditions. « Ce qu'on a découvert en tout premier, c'était leur désir, en fait, de parler, de se montrer et de nous raconter.» confie Alice Odiot.
Le film donne la parole aux détenus et à travers elle, pose la question de la gestion des prisons et des dysfonctionnements de l'univers carcérale. La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné le 30 janvier dernier la France pour ses conditions de détention déplorables et la surpopulation dans les prisons. La CEDH recommande à l'État "d'envisager l'adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention". Au 1er avril 2019, il y avait 71828 personnes détenues dans les prisons françaises selon le ministère de la Justice.
Mourir pour un paquet de cigarette...
La façon dont est geré l'univers carcéral aujourd'hui a rendu encore plus dangereuse la vie en prison. «Des hommes» rappelle qu'on peut mourir dans la cour de promenade pour un paquet de cigarette, qu'il faut constamment se défendre et afficher une hypervirilité pour espèrer survivre.
« Est-ce que vraiment ça aide ces gens-là à sortir du parcours des délits dans lesquels ils sont pris ? Pas du tout.» explique Jean-Robert Viallet. « On est dans un milieu fermé qui est un milieu encore plus criminogène. On ressort pour rerentrer, parce que quand on ressort, on ressort plus pauvre. »
"L'humanité est partout"
Pour autant, malgré la vestusté matérielle et des conditions de vie difficiles, la prison n'est pas privée d'humanité. L'amitié et l'entraide sont partout, comme le rappelle Alice Odiot. « L'humanité, elle est là partout aussi et c'est ce qu'on voulait saisir en fait. Dans un lieu qui est destiné à priver les hommes de cette humanité, on en a trouvé partout.»
«Des hommes», un documentaire d'Alice Odiot et Jean-Robert Viallet, en salle ce mercredi 19 février.