Discrimination : les sites de rendez-vous médicaux rappelés à l’ordre
Certains professionnels de santé imposent des conditions spécifiques, voire opposent un refus direct aux patients précaires ou étrangers sur les plateformes de rendez-vous médicaux en ligne comme Doctolib et Monrendezvous.
Par deux décisions du 22 novembre 2018, rendues publiques lundi 17 décembre, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, enjoint ces sites Internet à faire disparaître les mentions discriminatoires comme « les bénéficiaires de la CMU [couverture maladie universelle] ne sont pas acceptés au cabinet », « bénéficiaires CMU : pas de rendez-vous (le docteur n’a pas le lecteur de cartes). Merci de prendre rendez-vous avec l’hôpital », ou encore « les AME [aides médicales de l’Etat] ne sont pas acceptées ». Ils ont six mois pour modifier leurs pratiques.
Slimane Laoufi, responsable du pôle Emploi, biens et services privés auprès du Défenseur des droits a répondu aux questions du Magazine de la santé.
- Qu’avez vous constaté sur ces sites de prise de rendez-vous médicaux en ligne ?
Slimane Laoufi : « Des patients précaires ou étrangers sont clairement refusés par des médecins. Sur les profils de ces médecins, certaines informations dérivent sur des refus de soins. Il peut être écrit que le médecin ne prend pas les patients bénéficiaires de la CMU, ACS ou AME. Il y a interdiction de consulter ces médecins pour ces patients. Ce sont donc des discriminations que nous avons constaté. »
- Il peut aussi y avoir des créneaux spécifiques « réservés » pour ce type de patients…
Slimane Laoufi : « Parfois l’interdiction est clairement affichée mais effectivement, il y a d’autres situations où l’on va compliquer la prise de rendez-vous. Par exemple, on va indiquer un créneau horaire très restreint ou dire d’appeler une première fois puis une deuxième fois ou vous réorienter vers l’hôpital ou vers un autre confrère. C’est de la discrimination indirecte. »
- Vous avez donc publié une décision pour contraindre ces sites à modifier leurs pratiques. Que leur demandez-vous concrètement ?
Slimane Laoufi : « On leur demande de vérifier tous les profils des médecins avec un logiciel qui va vérifier s’il y a des mentions particulières concernant les patients bénéficiaires de la CMU, l’AME ou l’ACS. Les plateformes doivent demander aux médecins de supprimer ces mentions et si le médecin modifie de nouveau son profil pour remettre ces mentions, on demande aux sites de résilier leur compte et les signaler au Défenseur des droits pour qu’il soit poursuivi. »
Que dites-vous aux médecins ?
Slimane Laoufi : « Nous avons aussi des réclamations individuelles de patients qui ont essuyé un refus de la part d’un praticien et dans ce cas, nous enquêtons, nous constatons la discrimination et nous sollicitions le Conseil de l’Ordre pour des poursuites et nous pouvons nous aussi poursuivre le médecin. Nous avons beaucoup de saisines concernant des refus de soins qui nous sont transmises notamment par les associations. »