"Ecrire (...) qu'on refuse les patients les plus précaires... Cela nous inquiète"
Plusieurs associations de patients viennent de saisir le Défenseur des droits après le refus de douze médecins d'accorder un rendez-vous par Internet à des bénéficiaires de la CMU ou de l'AME. Le Magazine de la Santé a reçu, le 30 janvier 2017 Loïc Blanchard, responsable juridique de Médecins du Monde.
- Ne pas accueillir de patients bénéficiaires de la CMU ou de l'AME est une pratique malheureusement courante dans notre pays. Mais il est rare de voir des médecins afficher clairement leur refus de soigner ces bénéficiaires.
Loïc Blanchard, responsable du service juridique de Médecins du Monde : "C'est ce qui nous inquiète, et ce pourquoi on a saisi le Défenseur des droits. C'est justement ce sentiment d'impunité et cette normalisation que nous avons voulu dénoncer. Ecrire ostensiblement sur un site de prise de rendez-vous en ligne qu'on refuse les patients les plus précaires... Cela nous inquiète vraiment."
- Près de 1,3 millions de personnes bénéficient aujourd'hui de la CMU. Comment font ces personnes pour se soigner ?
Loïc Blanchard : "La question se pose depuis longtemps déjà. Plusieurs études ont été menées, y compris par la CNAM dans les années 2000. Le Défenseur des droits avait aussi publié en 2010 sur la question. On sait que le problème est récurrent, on le voit d'ailleurs au sein de nos associations, puisqu'il s'agit d'une saisine commune entre la Fnars, le Ciss et Médecins du Monde. Chez Médecins du Monde, par exemple, on rencontre énormément de personnes qui n'ont pas accès au droit commun dans nos centres d'accueil. Le but de notre association est pourtant d'aider les plus précaires à revenir dans le système commun du droit de santé. Et au contraire, ces personnes se voient réexpulsées alors qu'on les a aidées à obtenir cette protection. C’est un phénomène récurrent."
- Refuser un patient qui bénéficie de la CMU est illégal. Que risquent les médecins en cas de refus de soins ?
Loïc Blanchard : "On appelle ça de la discrimination. Plusieurs articles dans le code pénal peuvent la sanctionner. Les peines peuvent aller jusqu'à cinq ans de prison ou 75.000 euros d'amende. Mais notre démarche va plus loin que ça. Nous n'avons pas saisi le Défenseur des droits pour attaquer spécifiquement les douze praticiens qui ont refusé des bénéficiaires. Notre but est de mettre le vrai problème sur la place publique. Celui de ces patients les plus précaires qui n'ont pas accès aux soins à cause de professionnels qui ne souhaitent pas les accueillir."