Les médecins payés en fonction de la « pertinence » des arrêts de travail ?
L’Assurance maladie souhaite inclure de nouveaux critères dans les primes octroyées aux médecins. En première ligne : la « pertinence » des arrêts de travail. Les praticiens seront-ils poussés à les réduire ?
Ce 28 avril, rendez-vous est pris au siège de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) pour une nouvelle séance de négociation sur la convention médicale. Ce texte régit, pour cinq ans, les relations entre les médecins libéraux et la Sécurité sociale et fixe leurs honoraires.
Dans un document élaboré en amont de la discussion et consacré à la « rémunération sur objectifs de santé publique » (Rosp), l'Assurance maladie propose d'introduire de nouveaux indicateurs permettant la rémunération des médecins atteignant certains objectifs, en matière de prescription de médicaments, d'organisation de leur cabinet ou encore de prévention.
5 jours pour une grippe, 3 pour une angine
Parmi eux, des indicateurs relatifs à la pertinence des prescriptions d'arrêt de travail (indemnités journalières) au regard des préconisations existantes, les médecins étant par exemple invités à prescrire 5 jours d'arrêt de travail pour une grippe saisonnière, 3 pour une angine ou 21 jours pour une entorse grave lorsque le patient effectue "un travail physique lourd".
"Lorsqu’un avis d'arrêt de travail est prescrit en ligne (AAT), sa durée est plus souvent conforme aux référentiels existants, probablement du fait de la possibilité de choisir parmi les durées standard proposées par l’outil", constate la Cnam dans le document.
"Des indicateurs Rosp pourraient valoriser le recours aux services disponibles en ligne en matière d’arrêt de travail et le respect des référentiels qui y figurent", suggère-t-elle.
"Le taux de dématérialisation des prescriptions d’arrêt de travail" et le "taux de respect des référentiels pour les arrêts de travail prescrits en ligne (ou taux d’AAT dont la durée a été choisie parmi les propositions de l’outil)" constituent ainsi de nouveaux "indicateurs d'efficience" potentiels, selon la Cnam.
La mesure pourrait ainsi s'inscrire dans un plan plus global d'action de la Cnam pour enrayer la hausse des dépenses liées aux arrêt maladie (renforcement de l'accompagnement des médecins prescrivant trop d'arrêts, meilleur ciblage des contrôles, etc.) qui grèvent les comptes de la Sécu.
La dématérialisation des arrêts de travail offrirait en outre une meilleure visibilité à la Cnam, les médecins étant obligés de cocher des motifs d'arrêt plus précis que ceux qu'ils inscrivent souvent sur les feuilles papier, selon plusieurs médecins interrogés.
" Il faut arrêter de nous infantiliser"
Reste que les syndicats sont loin d'être conquis par l'idée. Le président de MG France, Claude Leicher, reconnaît que les médecins "utilisent peu" les référentiels mais n'est pas favorable à leur inclusion dans la Rosp, en appelant à la liberté de jugement du médecin face aux besoins particuliers du patient. Il pointe en outre "la variabilité dans l'accessibilité" du site de l'Assurance maladie.
"Il faut arrêter de nous infantiliser", commente de son côté Jean-Paul Hamon, le président de la Fédération des Médecins de France (FMF) opposé à ce mode de rémunération.
En 2015, près de 90.000 médecins ont perçu 4.500 euros en moyenne au titre de la Rosp. L'Assurance maladie et les syndicats ont jusqu'à la fin de l'été pour signer une nouvelle convention.