Le suicide assisté autorisé au Canada
Le Canada a autorisé, le 6 février, l'aide médicale à mourir pour les adultes atteints de problèmes graves et irrémédiables de santé. La Cour suprême a accordé un an au gouvernement pour changer sa loi interdisant le suicide assisté, qu'elle considère désormais comme contraire à la constitution.
La décision a été prise à l'unanimité. Les neuf juges du plus haut tribunal ont estimé que les articles du Code criminel interdisant le suicide assisté et l'euthanasie violaient la Charte des droits et libertés : "la prohibition a pour effet de forcer certaines personnes à s'enlever prématurément la vie, par crainte d'être incapables de le faire lorsque leurs souffrances deviendraient insupportables" explique la Cour. Cette interdiction, établie en 1993, visait avant tout à empêcher que les personnes vulnérables se suicident "dans un moment de faiblesse".
Avec l'application de cette nouvelle mesure, aucun médecin ne sera pourtant contraint à dispenser une aide médicale à mourir. La Cour rappelle aussi au gouvernement canadien que cet enjeu n'est pas qu'une question pénale, mais surtout une question de santé. Elle reconnaît ainsi aux provinces le pouvoir de "légiférer sur des aspects de l'aide médicale à mourir", à l'instar du Québec, devenue l'an dernier la première au Canada à le faire. En 2010, note la Cour, quatre pays autorisaient sous certaines formes le suicide médicalement assisté : les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse, ainsi qu'une poignée d'États américains.
Des avis partagés
"Nous allons prendre le temps d'examiner en profondeur cette décision très importante", a déclaré le ministre de la Justice, Peter MacKay, ajoutant vouloir s'"assurer de tenir compte de toutes les perspectives au sujet de cet enjeu difficile". Il semble cependant improbable que le gouvernement fasse campagne contre la légalisation, 85% des Canadiens étant favorables à l'aide médicale à mourir, selon un récent sondage de l'institut Ipsos.
L'Association médicale canadienne (AMC), une association de médecins qui défendent l'accès au soin, a reconnu que "l'aide médicale à mourir peut être appropriée" dans certaines "occasions rares". "Il s'agit d'une grande victoire pour les droits de l'homme, ainsi que pour la compassion", a réagi à la sortie de la Cour suprême Grace Pastine, de l'Association pour les libertés civiles de Colombie-Britannique. "Cette décision signifie que les Canadiens qui souffrent atrocement à la fin de leur vie vont avoir le choix désormais. Le choix d'aller chercher l'aide d'un médecin lorsque leur peine n'est plus supportable", a-t-elle ajouté.
Ce changement de législation avait été porté devant la Cour suprême par les familles de deux Canadiennes atteintes de maladies dégénératives incurables et qui sont aujourd'hui décédées. L'une des femmes, Gloria Yaylor, avait succombé à une infection, tandis que l'autre, Kay Carter, avait dû se rendre en Suisse pour obtenir une aide médicale à mourir. Avant son décès à l'âge de 89 ans, elle disait être terrifiée à l'idée "de mourir à petit feu".