Hommage. Au revoir super Mamika
Le photographe Sacha Goldberger a annoncé le 24 février le décès de Mamika, sa grand-mère. Il l'avait mise en lumière dans des séries de photos décalées.
« Ma grand-mère, c’était une bombe atomique », rit Sacha Golberger, petit-fils de Mamika. « Ce n’est pas le petit-fils qui vous dit ça, c’est le photographe ». A 102 ans, cette grand-mère célèbre sur internet est morte suite à des problèmes cardiaques, pulmonaires et intestinaux. « On a décidé de ne pas s’acharner et de la laisser tranquillement s’endormir. Son corps était un peu fatigué de tout ça », confie son petit-fils.
Ce dernier parle du caractère et de l’attitude de sa grand-mère. « Elle a toujours été positive, sympathique, rigolote, avec un caractère fort. Je ne l’ai jamais vu baisser les bras. Elle était optimiste, quoi qu’il arrive. Surtout, elle était très curieuse, même à 90 ans elle me posait des questions sur tout. Je pense que la curiosité c’est très important pour la longévité. »
Une vie bien remplie
Née en 1919 à Budapest en Hongrie, Mamika a été « élevée comme une prolétaire », selon son petit-fils, malgré sa famille juive bourgeoise. Elle a donc travaillé à la chaîne dans l’usine de textile de son père.
« C’était une femme très positive, », poursuit Sacha Golberger. « Je ne l’ai jamais entendue se plaindre, alors qu’elle a vécu des choses abominables. » Persécutés pendant la deuxième guerre mondiale, Mamika et son mari ont caché onze personnes en se déplaçant d’un endroit à un autre. « Jusqu’au moment où une bombe a explosé près d'eux, ma grand-mère a reçu des éclats et a été blessée. Ils ont même été capturés à la fin de la guerre par des nazis hongrois. »
Après la guerre, Mamika et son mari divorcent. Elle part en France, et son mari en Angleterre. Au total, elle a eu quatre maris et deux filles. « Une fois en France, elle a dû se remettre a travailler, et a donc travaillé dans le textile. Elle avait 82 ou 83 ans quand elle s’est arrêtée. »
Des photos décalées
« Et si Mamika présentait mes photos sur mon site Internet ? » Entre le photographe et la grand-mère, "la collaboration professionnelle" débute avec cette drôle d'idée. « Mais les photos étaient ennuyeuses, et je me suis dit que ce n’était pas suffisant », se souvient Sacha. Alors, le photographe décide de mettre en scène sa grand-mère. Il lui demande de faire semblant d’utiliser sa bombe de laque comme téléphone. L'aventure débute.
« J’ai vu tout de suite que ça marchait bien », raconte-t-il. « Pour la deuxième photo, je lui ai mis mon casque de moto rouge avec une étoile blanche, et la photo était chouette. Si la deuxième photo marchait, ce n’était pas un hasard. Donc on a commencé notre série de photos. »
Casser les clichés de la vieillesse
Pour Sacha Goldberger, ces photos lui ont permis de dédiaboliser l'âge. « Toutes ces photos parlent de la vieillesse, de la solitude, et de la capacité qu’ont les vieilles personnes de rire d’elles. A l’époque, ce n’était pas l’image des personnes âgées. Cette image ne correspondait pas à ce que je voyais. Mamika avait de l’humour, on était très loin de la vieille dame clichée. Cet aspect fait partie de la vieillesse, mais il n'y a pas que ça. »
Le photographe utilise ses photos pour accompagner sa grand-mère. « On a fait des photos sur la solitude, sur Alzheimer, on a dédramatisé cette partie inquiétante. En parallèle, on allait voir les spécialistes de la mémoire pour arrêter l’hémorragie. D’un côté, on dénonçait le truc en rigolant, mais de l’autre on était confronté à la réalité de gérer le quotidien. »
L’impact des réseaux sociaux
Au début, lorsque Sacha Goldberger postait ses premières photos sur MySpace, il recevait déjà des messages très positifs « Tous les matins, elle regardait et demandait 'mais pourquoi ces gens m’écrivent, ils n’ont rien de mieux à faire ?’. Nous avons fait des photos pendant quinze ans, ces images l’ont accompagnée dans sa vieillesse. Mamika, ce n’est pas un personnage, c’est ma grand-mère. Mais le personnage a pris le pas sur la réalité. »
Petit à petit, la vieille dame devient célèbre. « On la reconnaissait dans la rue. En parallèle, il y a eu la télé, des articles … Elle n’y était pas préparée, mais elle a assumé. Le phénomène de la grand-mère et du petit fils qui font des trucs marrants ça donne de l’espoir. On peut être vieux, en pleine forme et se marrer. »
Une relation spéciale
Si le photographe accompagnait toujours Mamika pendant ses interviews, c’était pour la faire connaître. « Je voulais que les gens en parlent, si un jour elle n’est plus là. Maintenant que j’ai annoncé sa mort, je reçois beaucoup de témoignages, visiblement elle a donné beaucoup d’espoir et de joie à beaucoup de gens, plus que ce qu’on aurait imaginé. »
Toutes ces photos aident même le petit-fils à surmonter la mort de sa grand-mère. « Aujourd'hui, tous les gens que je croise me parlent d’elle. J’ai l’impression d’avoir partagé un bout de ma grand mère avec la France, et c’est merveilleux. Je me suis tellement marrer. J’ai l’impression d’avoir vécu ce que je devais vivre avec elle. Les gens survivent parce qu’on parle d’eux et qu’on pense à eux ».