Le cas de Vincent Lambert devant la Cour européenne des droits de l'homme
"Laisser partir" Vincent Lambert ou le maintenir artificiellement en vie : la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) se penche ce 7 janvier 2015 sur le sort de ce tétraplégique en état végétatif, devenu l'objet d'une tragédie familiale aux enjeux éthiques complexes. Le docteur Eric Kariger, ancien chef des soins palliatifs du CHU de Reims et médecin de Vincent Lambert, était mardi 6 janvier l'invité du Magazine de la santé.
Victime d'un grave accident de la route en 2008, Vincent Lambert, 38 ans, souffre de lésions cérébrales irréversibles. En état végétatif chronique, il est actuellement hospitalisé dans un service de soins palliatifs à Reims.
L'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation artificielles qui maintiennent Vincent en vie avait été décidé il y a un an par ses médecins, avec l'assentiment de son épouse Rachel, de cinq frères et sœurs, et d'un neveu.
Cette décision médicale, contestée par les parents, une sœur et un demi-frère du patient, allait être annulée par un tribunal administratif, mais finalement validée par le Conseil d'Etat début juin.
Les parents de Vincent Lambert ont déposé une requête devant la CEDH afin d'annuler ce dernier jugement. Cette démarche judiciaire a entraîné une suspension provisoire de la décision du Conseil d'Etat.
Examiner la conformité de la décision
Dans cette affaire concernant la vie d'un homme, l'instance suprême de la CEDH, la Grande chambre, a été directement chargée d'examiner la conformité de la décision française avec les textes européens.
L'audience de ce 7 janvier doit permettre aux juges strasbourgeois d'évaluer les arguments du Conseil d'Etat, pour qui l'arrêt des traitements de Vincent était conforme au cadre tracé par la loi Leonetti de 2005 sur la fin de vie. Selon les expertises médicales menées à la demande de la juridiction française, le maintien en vie de Vincent Lambert constituerait une "obstination déraisonnable", compte tenu du caractère irréversible de son état et de son mauvais pronostic clinique.
La Conseil d'Etat s'est aussi appuyé sur la volonté exprimée selon sa femme par Vincent, avant son accident, de ne pas être maintenu artificiellement en vie dans un état de grande dépendance. Rachel Lambert, 33 ans, appelle à "laisser partir" son mari pour "respecter celui qu'il était".
"Eviter un acharnement qualifié"
"Ne pas laisser partir Vincent Lambert, c'est ne pas le respecter", a appuyé le 6 janvier le Dr Eric Kariger, ancien chef des soins palliatifs du CHU de Reims, appelant à éviter "un acharnement qualifié" sur son ancien patient.
Les parents de Vincent Lambert dénoncent eux une "euthanasie déguisée": leur fils n'avait pas rédigé de directives anticipées, soulignent-ils. "J'espère que la CEDH va pouvoir arrêter cette folie, Vincent n'est pas en fin de vie, il est handicapé", a dit Viviane Lambert à l'AFP, à son arrivée à Strasbourg mardi soir.
"On veut nous faire dire qu'on ne veut pas qu'il parte, mais ce n'est pas du tout ça, on ne veut pas qu'on le supprime", a martelé Mme Lambert, catholique traditionaliste, mais qui réfute tout lien de sa position avec sa foi.
Pour l'avocat des parents Lambert, maître Jean Paillot, Vincent "irait mieux s'il était mieux pris en charge". Devant le CEDH, il fait notamment valoir des violations du "droit à la vie" et de l'interdiction de "traitements inhumains ou dégradants" pour faire condamner la France.
"La loi Leonetti est une bonne loi", mais le cas de Vincent Lambert "montre les éléments flous" de ce texte, a-t-il dit à l'AFP, plaidant pour des aménagements dans le cadre du débat justement relancé en France ces dernières semaines.
Après un débat sans vote à l'Assemblée nationale le 21 janvier, autour des récentes propositions des députés Jean Leonetti (UMP) et Alain Claeys (PS), une loi devrait suivre, à une date non encore fixée.
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Dr Eric Kariger
Ed. Bayard, janvier 2015
L'affaire Vincent Lambert ne connaîtra pas son épilogue ce 7 janvier : la Grande chambre de la Cour ne devrait rendre son arrêt que "dans au moins un à deux mois", selon une source proche de l'institution.