Greffe du troisième type... Poisson d'avril !
Avoir une voix très aiguë pour un homme, est-ce un handicap ? Résolument oui pour Daniel, 29 ans. C'est pourquoi il a pu bénéficier d'une première mondiale en matière de greffe. Quelle est l'histoire de cette prouesse canadienne ? Comment combler un manque criant de testostérone ? Les explications avec le Pr. Arnaud Mejean, urologue.
Greffe : première mondiale
L'équipe du Pr. Burnes a reçu cet homme de 29 ans, avec une voix très aiguë, Daniel L., adressé par un service d'endocrinologie qui le suivait depuis plusieurs mois.
Son histoire est celle d'une absence de mue chez un homme dont l'adolescence n'a été marquée par aucun autre trouble associé. Les autres marqueurs de la puberté (pilosité, développement des organes génitaux, caractères sexuels secondaires) sont apparus sans anomalies. Mais sa voix était restée celle d'un pré-pubère.
Daniel L. avait consulté le service spécialisé dans les troubles endocriniens afin de réaliser un bilan précis de ses sécrétions de testostérone. Cette hormone mâle étant, à la puberté, responsable des transformations physiques et psychologiques chez l'adolescent mâle.
Ce bilan avait révélé une insuffisance de sécrétion de testostérone. Le taux de cette hormone circulant dans le sang avait, semble-t-il, été suffisant pour déclencher la puberté mais insuffisant pour modifier la morphologie du larynx, organe de la phonation.
Les endocrinologues ont commencé avec un traitement par de la testostérone, à raison de trois comprimés par jour. Le taux de testostérone mesurée dans le sang a rapidement atteint les seuils recherchés mais il n’y avait aucune amélioration de la voix.
En revanche, quelques effets secondaires ont été observés. Pilosité pubienne plus marquée, agressivité prononcée, par exemple, lors de retransmissions sportives devant la télévision, libido exacerbée (demandes répétées au cours de la journée) avec plaintes de la compagne auprès du personnel médical... Le bilan cellulaire a permis de constater que si le taux hormonal était suffisant, son action sur le larynx était bloquée par une insensibilité des cellules de cet organe à la testostérone de synthèse, donc étrangère par rapport à celle naturellement sécrétée par le patient.
Les endocrinologues ont donc demandé une prise en charge de ce patient par les urologues. Ces derniers avaient en effet testé les transplantations de testicules chez la musaraigne femelle et avaient observé l'apparition d'un appendice caudale sous l'effet de la testostérone sécrétée par ces testicules.
L'idée était de voir s'il était envisageable, techniquement mais aussi sur le plan éthique, de transplanter un ou plusieurs testicules, sur ce patient, afin que ces derniers sécrètent une hormone naturelle reconnue par le larynx.
Il a donc été procédé, dans un premier temps, à un prélèvement de tissu de l'un des testicules de Daniel L. A noter que l'équipe devant vérifier qu'elle ne touchait pas de partie sensible, ce prélèvement s'est déroulé sans anesthésie.
Ces cellules ont ensuite été mises en culture dans une solution particulière de bicarbonate de manganèse. Afin qu'elles prennent progressivement une forme la plus proche possible de celle des testicules, elles ont été placées dans un moule adapté et régulièrement "massées" par les laborantines. Au bout de quatre mois, on avait obtenu deux belles formes oblongues de 5 à 6 cm de long.
L'équipe a ensuite implanté ces deux néotesticules dans le périnée du patient. La technique elle-même n'a pas posé de problème. L'incision a été pratiquée dans le nombril afin de cacher la cicatrice et les testicules descendus jusqu'au périnée, grâce à la cœlioscopie.
On a ensuite raccordé les nouveaux organes aux vaisseaux locaux. Deux semaines plus tard, on observait une élévation significative du taux de testostérone dans le sang.
Trois mois après la transplantation, la voix de Daniel L. avait changé. Elle était devenue plus grave sans atteindre encore celle d'un adulte. Il a fallu encore attendre deux mois avant que Daniel L. n'ait sa voix actuelle.
Depuis cette première, l'équipe canadienne a été contactée par des sportifs de haut niveau qui souhaitent bénéficier de cette avancée dans un but de dopage. Les canadiens ont heureusement refusé toute collusion avec le milieu sportif, et précisent, que la position des nouveaux testicules dans le périnée empêcherait de toutes façons toute pratique du cyclisme, même amateur. Ainsi que, par exemple, le "110 m haies".
Source : The Balls Canadian Review, avril 2010