"Ce que je dénonce, ce sont des enfants attachés, enfermés dans trois mètres carrés"
Céline Boussié avait été licenciée pour avoir dénoncé les conditions d’accueil indignes d’un Institut médico-éducatif (IME) en 2013. Poursuivie en diffamation, elle a été relaxée.
Céline Boussié, ancienne employée de l’institut médico-éducatif (IME) de Moussaron (Gers), a été poursuivie en diffamation par son ex-employeur. En 2013, elle avait dénoncé les mauvais traitements envers les jeunes pensionnaires polyhandicapés de cet établissement. Le 20 novembre dernier, elle a finalement été relaxée par le tribunal de Toulouse. Une première. Le 21 décembre, elle est venue témoigner sur le plateau du Magazine de la Santé.
- Que reprochiez-vous aux gérants de l’établissement ? On le rappelle, ils ne font l’objet d’aucune poursuite à l’heure actuelle.
Céline Boussié, lanceuse d'alerte : Ce que je leur reprochais a été corroboré par l’Agence régionale de santé, mais aussi par l’Organisation des nations unies : en janvier 2016, le rapporteur a parlé très clairement de traitement indigne et dégradant au sein d’établissements français. Il a dénoncé leur impunité, et a cité Moussaron. C’est ce qu’on a d’ailleurs vu dans le documentaire de Nicolas Bourgoin, pour Zone Interdite : des enfants attachés, surmédicamentés, enfermés dans trois mètres carrés, sans toilettes, sans point d’eau. Et ces enfants n’ont pas de suivi dentaire, gynécologique, rien ! Cinq en sont décédés.
- Vous aviez tenté d’alerter la direction de l’établissement. Comment a-t-elle réagi ?
Céline Boussié, lanceuse d'alerte : Dans cet établissement, il n’y a aucun protocole. J’ai tout noté et tout fait remonter au personnel, au syndicat et à la direction, et à chaque fois, on m’a fermé les portes. C’est un peu comme une secte : on en est arrivé à vouloir me faire croire que le problème, ce n’était pas eux, mais que c’était moi, et que ce que je dénonçais était normal.
- Comment avez-vous fait pour continuer à travailler dans cet institut ?
Céline Boussié, lanceuse d'alerte : Vous avez trois options : soit vous restez et vous cautionnez ce qui se passe, soit vous partez et vous ne dites rien, soit vous choisissez de dénoncer, mais il faut rester et accumuler les preuves. J’ai fait le choix de résister. Bernadette Collignon et Didier Borgeaud avaient dénoncé cet établissement en 1995, ils ont été condamnés. Bernadette et Christelle Cornier l’ont de nouveau dénoncé en 1999, elles ont été condamnées. Je l’ai dénoncé en 2013 : il y a eu 10 plaintes, mais neuf d’entre elles ont été balayées par le procureur du Gers, au motif qu’on avait instrumentalisé la justice. La dixième plainte a débouché sur un non-lieu. Ma relaxe, c’est reconnaître que ces enfants ont été maltraités.