Histoire de la médecine : la découverte de la metformine
C’est un médicament qui a révolutionné la médecine et changé la vie de millions de patients dans le monde. Retour sur la metformine, une histoire exemplaire.
Au Moyen-Age, on utilisait une plante médicinale, Galega officinalis, nommée aussi "lilas français" ou "herbe aux chèvres" pour soigner, entre autres, les manifestations du diabète sucré chez l’homme et pour augmenter la production de lait (propriété galactogène) chez le bétail. Elle était aussi utilisée dans la peste car elle provoquait des sueurs intenses réputées favorables contre cette maladie.
En 1914 un pharmacien français, Charles Tanret, avait isolé de la galega une substance qu’il avait dénommée galégine. Sa structure fut élucidée en 1923, la formule était assez simple, très proche d’une molécule simple, la guanidine et très proche de l’urée.
Une découverte qui ouvre une voie
Dans les années 1920, on avait constaté que les patients souffrant d'hypoglycémie (c'est-à-dire ayant un taux trop bas de sucre dans le sang) présentaient parallèllement des taux élevés de guanidine. L’idée fut alors de donner des perfusions de guanidine aux diabétiques pour faire basser leur taux de sucre.
Malheureusement l'expérience révéla trop d'effets secondaires. Les chercheurs entreprirent alors de refaire la même expérience avec la galégine.
Cette dernière, effectivement très similaire à la guanidine sur le plan moléculaire, avait l'avantage d'être bien tolérée comme le montrait son usage traditionnel durant tout le moyen-âge. Les résultats ne furent pas plus concluants, les effets étaient inconstants et de durée très courte.
Comme toujours, on a synthétisé beaucoup de dérivés, notamment des biguanines (2 molécules de guanine assemblées). Un de ceux-ci fut utilisé dans les années 1940 mais on avait découvert les sulfamides hypoglycémiants qui agissaient efficacement et ces dérivés des guanines furent abandonnés.
C’est dans les années 1950 que 2 chimistes allemands Menhert et Seitz prouvèrent l’efficacité d’un dérivé de la guanine la Metformine (qui avait été synthétisée dès 1922 en Irlande), dans le diabète de type II dit gras. Mais ils ne furent pas soutenus par l’industrie allemande qui appelait ce composé "little product", le petit produit !
La trouvaille d'un laboratoire
En 1957, Jean Sterne, un médecin français, travaillant dans un petit laboratoire français fait une communication dans un congrès assez obscur puis une publication en français dans une revue franco-française. Il réalisa les premiers essais cliniques chez l’homme de la metformine utilisée comme agent antidiabétique oral.
Il démontra que la metformine possèdait le meilleur rapport bénéfice/risque et était très active. À la suite de ces travaux, la metformine fut commercialisée pour la première fois en France sous le nom évocateur de Glucophage (qui mange le glucose) par les laboratoires Aron en 1959.
La production et la réputation de la metformine, petit produit français, augmentent progressivement. Le laboratoire Aron revend à un autre petit laboratoire lui-même racheté en 1991-1995 par le laboratoire Merck qui deviendra en France Merck-Lipha. Les quantités produites sont énormes car la metformine devient le traitement de base dans le diabète de type II et le reste encore aujourd’hui où il figure dans toutes les recommandations internationales en traitement de 1ère intention avec un régime et une activité physique car efficace et bien toléré. D’autres dérivés comme la Phentformine qui était la référence aux USA fut retirée du marché donnant des accidents mortels, des acidoses lactiques.
La France faisait ainsi mieux que les États-Unis.
Les pouvoirs insoupçonnés d'un antidiabétique
C’est encore une histoire merveilleuse de hasard dans la découverte des médicaments. On constate en effet que les patients prenant de la metformine semblent moins susceptibles de développer certains cancers digestifs. De plus, des travaux en laboratoire montrent que la metformine possède de très nombreuses propriétés d’inhibition de la multiplication cellulaire.
Des essais commencent dans les années 2010 dans de nombreux cancers, à titre préventif et curatif : sein, côlon, poumon etc…Des articles très récents montrent que la metformine fait mieux que des traitements avec de nouvelles molécules. C'est un énorme intérêt car la metformine est très bon marché, ses effets secondaires sont très limités et bien connus contrairement à tous les nouveaux anticancéreux extrêmement chers et très toxiques.
Cette démarche, qu'on dénomme, repositionnement, comme utiliser d’anciens médicaments dans de nouvelles indications, notamment dans les cancers, apparait extrêmement prometteuse. Cet antidiabétique n’est donc pas une galéjade !