Crise de l'hôpital : "Jusqu'à présent nous avons pu tenir "
À la veille de la manifestation du 14 novembre, le Pr Antoine Pelissolo, représentant du collectif inter-hôpitaux, alerte : sans revalorisation des moyens alloués aux hôpitaux, la crise ne pourra que s'aggraver
Infirmiers, médecins, aides-soignants, anesthésistes… Des milliers de soignants ont prévu de manifester jeudi 14 novembre pour réclamer des actions et des moyens pour « sauver l’hôpital public ». Cette large mobilisation est organisée depuis des semaines par les collectifs inter-urgences et inter-hôpitaux.
Un chiffre cristallise la colère et les inquiétudes de leurs membres : l’augmentation de l’Ondam de l’hôpital public. L’objectif national des dépenses d’assurance-maladie a été fixé par le dernier projet de financement de la Sécurité Sociale à 2,1% en 2020.
L’Ondam est le montant total des soins qui pourront être remboursés chaque année par l’Assurance maladie. Pour ces deux collectifs, un taux de 2,1% ne suffit pas à compenser la hausse mécanique des dépenses de santé liées notamment au vieillissement de la population.
Pour en parler, le Magazine de la santé accueilli en plateau le Pr Antoine Pelissolo, représentant du collectif inter-hôpitaux et chef du service psychiatrie à l’hôpital Henri Mondor AP-HP à Créteil dans le Val-de-Marne.
- Après sept mois de mobilisation dans plusieurs établissements de santé, quelle a été votre réaction à l’annonce de ce taux ?
Pr Antoine Pelissolo, collectif inter-hôpitaux : « C’était un grand découragement. Nous espérions ne pas devoir reproduire des économies d’années en années comme c’est le cas depuis déjà une dizaine d’années. La proposition de 2,1% correspond à un milliard d’économies à faire sur les hôpitaux l‘an prochain. Évidemment, certains soins augmentent, on soigne de plus en plus de personnes et de plus en plus longtemps. Pour compenser cette augmentation mécanique, il faut faire des économies sur le reste. Et un milliard d’économies ce fera forcément, au point où on en est, sur des dépenses de personnels. Cela veut dire moins de personnels actifs dans les services et des personnels moins bien payés qu’ils devraient l’être. Conséquence : une fuite de beaucoup de soignants qui manquent de plus en plus. Et on craint que ce soit pire l’année prochaine. »
- Pour espérer une amélioration de la situation de l’hôpital public, à combien selon vous l’Ondam devrait-il être fixé ?
Pr Antoine Pelissolo, collectif inter-hôpitaux : « 4% c’est le minimum pour maintenir à peu près les budgets en l’état. C’est à dire juste avec les dépenses nécessaires en plus pour éviter une dégradation des comptes. Ce que nous demandons depuis le début, ce n’est pas de l’argent en plus, il faut bien le comprendre. »
- Quel est le risque selon vous ? Que l’hôpital s’effondre ?
Pr Antoine Pelissolo, collectif inter-hôpitaux : « Jusqu’à présent nous avons pu tenir au prix d’un dévouement des personnels qui travaillent énormément. Ils soignent encore dans l’excellence, le plus souvent, mais de plus en plus vite, de plus en plus à répétition… Cela se traduit par un épuisement qui peut conduire à un burn-out et ensuite un départ. »
- Cela peut avoir des répercussions sur la prise en charge des patients ?
Pr Antoine Pelissolo, collectif inter-hôpitaux : « Bien sûr ! Le fait de manquer de structures, c’est aussi ne plus pouvoir accueillir les patients. Cela se traduit par un temps d’attente aux urgences, assez visible, mais il y a aussi des actes que nous devons annuler à répétition. Des opérations sont déprogrammées tous les jours parce que souvent nous manquons de personnels, souvent des anesthésistes. »
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