Hôpital : "On est dirigés par des gens qui n'ont plus aucune valeur humaine"
La CGT a appelé à la grève mardi dans tous les services publics. A l'hôpital, le malaise des soignants n'a jamais été aussi important.
Le Dr Christophe Prudhomme, urgentiste au SAMU 93 et délégué CGT a répondu aux questions du Magazine de la santé.
- Pourquoi la santé est absente du grand débat national ?
Dr Christophe Prudhomme : "Visiblement ça n’est pas une priorité pour le gouvernement. Pourtant c’est une priorité partout dans les territoires. Depuis deux ans, les hôpitaux et les EHPAD sont les secteurs où il y a le plus de mouvements de grève avec un fort soutien de la population. On voit qu’il y a des fermetures de services, de maternités, pas que les petites… il y a une logique du regroupement dans des mégastructures qui ne fonctionnent pas bien. Pour bien travailler dans un hôpital, il faut garder un aspect convivial, familial, les grandes structures impersonnelles, ça ne plait ni aux patients ni au personnel."
- Donnez nous un exemple concret des dysfonctionnements actuels ?
Dr Christophe Prudhomme : "Hier matin, nous avons pris en charge un patient qui nécessitait une place en réanimation à La Courneuve. Et bien il n’y avait aucune place en réanimation dans toute la Seine-Saint-Denis et dans les hôpitaux limitrophes du 95, du 92… ce patient à atterrit dans un hôpital de Marne-La-Vallée ! Alors que la famille n’avait pas de voiture…"
- Que faudrait-il changer à l’hôpital ?
Dr Christophe Prudhomme : "Gérer l’hôpital à flux tendu, nous expliquer qu’un hôpital ça doit être rempli à 100% comme un hôtel, c’est un non-sens. On est dirigés par des gens qui n’ont plus aucune valeurs humaines. Nous les soignants on est là pour gérer les souffrances, eux ils sont là pour gérer une entreprise donc forcément il y a un affrontement. Ce sont des technocrates qui sont dans une logique qui n’est pas la notre. On ne parle que d’argent. On marche sur la tête ! Il faut arrêter de fermer des hôpitaux et de tout regrouper dans des méga-centres. L’hôpital c’est le service public pour la population dans un souci d’égalité, de fraternité et d’humanisme et on perd ces valeurs ce qui est très difficile à supporter pour les soignants."
- S’il n’y avait qu’une seule mesure à prendre de façon urgente pour l'hôpital, ce serait laquelle ?
Dr Christophe Prudhomme : "Un moratoire sur les plans d’économie et les fermetures de lits et puis on se met autour de la table parce qu’il n’y a pas que l’hôpital qui va mal, il y a aussi la médecine de ville. Il y a besoin de revoir la totalité de l’organisation de notre système de santé. Moi je suis urgentiste, on dit que les urgences sont le miroir grossissant de toutes les difficultés de notre système de santé or on craque. 60% de mes collègues se déclarent en épuisement professionnel ou en pré-épuisement professionnel. Quand je vois des jeunes urgentistes de 35-40 ans qui disent je ne ferai pas ce métier toute ma vie alors qu’ils sont passionnés, c’est dramatique !"