Le chômage serait responsable de 10.000 à 14.000 décès par an
Maladies cardiovasculaires, troubles du sommeil, addictions… Perdre son travail et avoir du mal à en retrouver nuit gravement à la santé.
Un rapport de l’association Solidarités nouvelles face au chômage alerte sur l’état de santé des demandeurs d’emploi. Selon les données publiées dans ce rapport, en France, 10.000 à 14.000 décès par an seraient imputables au chômage. Un demandeur d’emploi aurait trois fois plus de risques de décéder qu’un actif. Pr Michel Debout, psychiatre, répond aux questions du Magazine de la santé.
- Qu’est-ce qui fragilise la santé des demandeurs d’emploi ?
Pr Michel Debout : "Le moment où l’on perd son emploi, c’est-à-dire un licenciement, un plan social ou un dépôt de bilan pour les artisans ou les commerçants, les agriculteurs qui ferment leur exploitation, est un moment authentiquement traumatique et donc comme les gens qui sont agressés ou blessés, les chômeurs sont exposés au stress post-traumatique. La différence, c’est que pour les autres, on fait quelque chose et que pour les 6 millions de chômeurs, on ne fait rien !"
- Le chômage favorise-t-il les addictions ?
Pr Michel Debout : "Malheureusement oui. Surtout quand le chômage s’installe et dure. Si l’addiction existait avant la période de chômage, et qu’elle était maîtrisée, elle peut rebondir. Que ce soit l’alcool ou la drogue… c’est un enfermement de la personne car elle n’a pas d’autres possibilités pour dépasser cette situation difficile. Les demandeurs d’emploi ne sont pas tous fragiles ou malades, mais ils sont tous fragilisés. S’ils sont fragilisés et qu’en plus ils ont des problèmes de santé, la dégradation de leur état peut être très grave."
- Est-ce qu’on dénombre davantage de suicides chez les chômeurs ?
Pr Michel Debout : "Dans la population générale, 20% des personnes ont des pensées suicidaires. Chez les chômeurs, cette proportion monte à 30%. Quant au risque de passage à l’acte, il est de 3% dans la population générale et 6% chez les chômeurs. Donc oui, il y a davantage de risques de tentatives de suicides et de morts par suicide chez les chômeurs, dans des situations dramatiques avec parfois des crimes familiaux et le suicide de la personne."
- Selon votre rapport, 40% des chômeurs ont déjà renoncé à un soin pour des raisons financières contre 25% des actifs. Est-ce que le plan santé, annoncé par Emmanuel Macron, permet d’apporter des solutions ?
Pr Michel Debout : "Ce qu’a dit le président est très important : il nous a dit qu’il fallait aider les pauvres à sortir de leur pauvreté. Il faudrait aussi que l’on évite aux chômeurs de sombrer dans la pauvreté. Dans la mesure où il y a un risque pour la santé, il faut surtout développer la prévention. Le Premier ministre a expliqué que les morts sur la route étaient sa priorité, c’est très bien, mais pourquoi les morts par chômage ne sont pas sa priorité ?"