Prescrire dénonce 91 médicaments "inutiles et dangereux"
La revue médicale indépendante Prescrire a dévoilé ce 26 janvier sa liste, mise à jour, des médicaments "plus dangereux qu'utiles" à éviter en raison des risques sanitaires "disproportionnés" qu'ils font courir aux patients.
Cette année, ce sont 91 médicaments, dont 82 vendus en France [1] que la revue Prescrire conseille de ne pas utiliser (à défaut de les voir retirés du marché). Ces préconisations reposent sur des analyses réalisées dans les colonnes de la revue au cours des années 2010 à 2016.
Le registre des traitements critiqués – cancer, diabète, arthrose, allergies, maladie d'Alzheimer, nausées et vomissements – est vaste, que les médicaments en cause soient nouveaux ou anciens et les maux visés graves ou bénins.
"La persistance des firmes à les commercialiser et l’inertie des agences du médicament qui tardent à les interdire totalement exposent les patients à des risques injustifiés", s'indigne la revue.
Des nouveaux venus dans la liste noire
A titre d'exemple, des médicaments contre le rhume, des décongestionnants, comme la pseudoéphédrine, exposent à un risque de troubles cardiovasculaires graves voire mortels (poussées d'hypertension, AVC, troubles du rythme cardiaque).
La liste noire reprend également plusieurs médicaments contre l'ostéoporose dont le strontium ranélate (Protelos®) qui peut aboutir à des troubles neurologiques et cardiovasculaires pouvant aller jusqu'au décès.
Mentionné l'an dernier, le Champix® (varénicline), utilisé dans le sevrage tabagique, a été retiré de la liste des médicaments à éviter après la publication de nouvelles données en 2016. Prescrire procède actuellement à une nouvelle évaluation.
D'autres médicaments sont en revanche ajoutés, comme le Muxol® ou le Bisolvon®, utilisés pour soulager des maux de gorge, mais qui peuvent entraîner des réactions allergiques et des réactions cutanées graves, parfois fatales, alors qu'ils ne sont pas plus efficaces qu'un placebo.
Pour Prescrire, dans le doute, mieux vaut s’abstenir
"Il faut que le doute bénéficie au patient et non au médicament, comme c'est encore trop souvent le cas", a souligné Bruno Toussaint, le directeur éditorial de Prescrire.
Il ajoute qu'avant de retirer un médicament du marché, les autorités sanitaires demandent de "multiples études prouvant la dangerosité du médicament". "Il y a encore beaucoup de difficultés à convaincre au niveau européen et à résister à la pression des firmes pharmaceutiques qui vivent de la vente des médicaments pour rémunérer leurs actionnaires et leur personnel et qui poussent toujours pour arriver plus vite sur le marché et pour y rester le plus longtemps possible", selon Bruno Toussaint.
Interrogé sur le prix élevé de certains anti-cancéreux, il a estimé qu'il n'était pas toujours justifié. "Les laboratoires obtiennent des prix élevés sur la base de dossiers qui ne sont pas encore probants [...] ne les incite pas à faire des efforts", a-t-il déclaré.
Quelques médicaments des listes antérieures retirés du marché…
Sur la centaine de médicaments recensés par l'inventaire sur la période 2013-2016, seulement une dizaine a fait l'objet d’une suspension ou d’un retrait d’AMM (autorisation de mise sur le marché).
D'autres techniques consistent à dérembourser complètement ou partiellement, mais les déremboursements sont généralement "lents et contestés en justice" selon Prescrire qui cite l'exemple du gel anti-inflammatoire kétoprofène qui expose à des "photoallergies graves" (brûlures) en cas d'exposition au soleil, et qui n'est pas plus efficace que d'autres anti-inflammatoires.
Les "bons points" de Prescrire
Depuis 2014, la revue n’a pas identifié dans la pharmacopée de nouvelle substance qui constituerait un "progrès thérapeutique décisif". Mais elle souligne l’intérêt de deux nouveau anticancéreux utilisés dans le traitement du mélanome métastasé, le nivolumab (Opdivo® de Bristol-Myers Squibb) et le tramétinib (Mekinist® de Novartis Pharma). Ces avancées en cancérologie restent toutefois "ponctuelles et sans commune mesure avec les annonces ou les prix exorbitants réclamés par les firmes".
avec AFP
[1] La mouture 2017 du classement inclut les médicaments autorisés dans l'Union Européenne, et analysés au cours de cette même période, qu'ils soit commercialisés ou non en France.