Essais cliniques : mode d'emploi
Il y a quelques mois, le décès d'un volontaire impliqué dans un essai clinique mené par Biotrial a provoqué un séisme dans le monde de la recherche. Alors l'essai clinique est-il une pratique dangereuse ? Qui peut participer ? Comment se déroule un essai clinique et quelles en sont les conséquences ? Les explications avec Setti Dali.
Les différentes phases de l'essai clinique
- La phase pré-clinique
Avant d'être testé sur l'homme, il y a une phase pré-clinique avec des années de recherche en laboratoire, des tests sur des cellules in vitro, puis sur des modèles animaux. Si la molécule a montré son efficacité et son innocuité, elle peut alors être testée sur l'homme. Pour participer, il faut être soit un volontaire sain, soit malade.
- La phase I
Lors de la phase I, il s'agit de vérifier comment le médicament se comporte dans l'organisme, s'il est bien toléré... On le fait généralement sur un petit nombre de volontaires sains.
- La phase II
Au cours de la phase II, on teste l'efficacité et la dose optimale du produit sur un groupe de volontaires malades, de 10 à 40 individus.
- La phase III
Lors de la phase III, on étudie si le médicament apporte plus de bénéfices que de risques, c'est-à-dire d'effets indésirables. Toujours sur des patients. Pour cela, on compare le traitement à un groupe placebo ou à un traitement de référence. Un groupe de plusieurs centaines de malades est nécessaire. La molécule doit passer avec succès ces trois phases pour avoir le droit d'être commercialisé. Mais les places sont rares : sur 10.000 molécules testées, une seule deviendra disponible pour les patients.
L'essai clinique est-il une pratique dangereuse ?
Oui, le risque 0 n'existe pas. Des effets indésirables peuvent survenir. Mais ces essais sont extrêmement réglementés. Quand un laboratoire ou un service hospitalier veut tester une molécule, il doit obtenir l'autorisation de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et celui du Comité de protection des personnes (CPP).
Le CPP est composé de médecins, d'associations de patients, de juristes… Ils vérifient le protocole, la pertinence scientifique de l'essai et son éthique. De son côté, l'ANSM est tenue au courant du déroulé de l'essai, des effets indésirables constatés… Elle a un rôle de surveillance et peut interdire ou suspendre l'essai à tout moment. Les intérêts des individus priment sur ceux de la science et ce principe est inscrit dans la loi.
Qui peut participer à un essai clinique ?
En théorie, tout le monde : en phase I, essentiellement des individus sains. Ils forment des petites cohortes, et ne constituent que 5% de l'ensemble des participants à des essais cliniques. La grande partie des volontaires, 95%, sont en réalité des patients souffrant d'une maladie pour laquelle on teste un nouveau traitement. Ils sont inclus dans les phases II et III.
On peut être sollicité par son médecin traitant ou son centre de soins. On peut aussi se porter volontaire en prenant contact avec des structures dédiées à la recherche clinique ou sur le portail de l'ANSM, qui référencent tous les essais cliniques en cours. Mais attention, vous n'êtes pas sûr d'être sélectionné car chaque essai a ses propres critères d'éligibilité : sexe, âge, antécédents médicaux, stade ou intensité de la maladie…
Si vous êtes sélectionné, un médecin doit vous fournir un maximum d'informations sur l'essai clinique, son déroulement, les risques auxquels vous vous exposés, les contraintes que cela nécessite… Il doit être neutre et ne surtout pas influencer votre décision. C'est le principe du consentement libre et éclairé : vous ne pouvez prendre votre décision que sur une base d'information claire et sans ambiguïté.
Prenez un temps de réflexion pour réfléchir et discuter avec votre entourage, votre médecin traitant… Une fois la décision prise, vous signez un formulaire de consentement qui est obligatoire. Sachez que vous êtes libre de changer d'avis et d'interrompre votre participation à tout moment de l'essai.
Comment se déroule un essai clinique ?
Ce n'est pas parce que vous participez à un essai que vous êtes certain de prendre le médicament testé. En effet, le type de molécule que vous prendrez est déterminé par un tirage au sort informatique, c'est ce que l'on appelle la randomisation (qui vient du mot random, "hasard" en anglais). C'est le seul moyen de garantir une comparaison juste entre deux groupes de patients.
S'il s'agit d'un essai ouvert, le médecin connaît le médicament que vous prenez. S'il s'agit d'un essai en double aveugle, personne ne sait ce que vous prenez : un médicament ou un placebo. Les chercheurs ont besoin d'être certains que les bénéfices de la molécule ne soient pas dus à une influence extérieure ou psychologique. Un essai peut être très contraignant : il peut nécessiter une hospitalisation d'un ou plusieurs jours, ou des allers-retours fréquents parfois quotidiens, au centre d'essai clinique. Il faut en tenir compte pour organiser sa vie, ses vacances…
Quels avantages pour les participants ?
Si le traitement testé s'avère efficace, vous serez dans les premiers à en bénéficier, avant même sa mise sur le marché. Et ce gratuitement, car la loi oblige le promoteur d'un essai à fournir gratuitement les médicaments et financer les coûts liés à cet essai : déplacements, examens médicaux, repas…
Si vous êtes un volontaire sain, il peut aussi vous être proposé une indemnisation, mais vous n'avez pas le droit de toucher plus de 4.500 euros dans l'année. Ce plafond permet d'éviter la marchandisation du corps. À la fin de l'essai, vous continuez d'être suivi par une équipe médicale. Vous avez également un accès privilégié aux conclusions de la recherche.