Qu'est-ce qu'un essai clinique ?
Un essai clinique désigne une étude employée une méthode rigoureuse, destinée à évaluer l'efficacité et la tolérance d'une prise en charge thérapeutique, d'un médicament (on peut aussi parler, dans ces deux cas, d'un "essai thérapeutique") ou d'un protocole de diagnostic. Celles-ci doivent se conformer à des règles très spécifiques.
Phase I, phase II, phase III : quelle différence ?
Avant qu'un traitement puisse être mis sur le marché, trois phases d'études successives doivent être réalisées sur l'homme.
Les études de phase I ont pour objectif d'évaluer la tolérance et l'absence d'effets indésirables du traitement chez un nombre restreint de volontaires sains ou de patients en impasse thérapeutique.
La phase II a pour objectif de déterminer la dose optimale du traitement, ainsi que les éventuels effets indésirables associés chez les malades.
La phase III, portant sur des groupes de plus d'un millier de personnes, permet de comparer le traitement à un traitement de référence ou à un placebo, et ainsi d'en évaluer l'efficacité réelle.
Après sa mise sur le marché, un suivi de pharmacovigilance et des études statistiques relatives à la sûreté et à l'efficacité du médicaments sont également réalisées. Ces travaux sont généralement désignés sous le nom d'études "de phase IV". Il ne s'agit toutefois pas d'essais cliniques.
Pour pouvoir être considérés comme valides, les essais cliniques doivent être préalablement déclarés et enregistrés sur une base de donnée nationale ou internationale.
Pourquoi parle-t-on d'essais "contre placebo" ?
La meilleure méthode pour mesurer l'efficacité d'un traitement est de comparer celui-ci avec un traitement déjà validé, ou avec un placebo (c'est-à-dire un faux médicament).
En effet, le simple fait de prendre en charge un patient (et eventuellement, de lui administrer un comprimé) influe sur l'évolution de ses troubles, en particuliers sur les plus subjectifs d'entre eux.
Pour être sûr que l'évolution de la pathologie est bien due au traitement et non à des facteurs extérieurs, on réalise cette comparaison sur un grand nombre de patients. Plus le nombre est important, plus le résultat est fiable !
Les essais comparant un traitement A avec un traitement A auquel on adjoint un traitement B sont considérés comme très peu fiables. Si l'on veut réaliser un tel comparatif, il faut ajouter un placebo indifférenciable du traitement B au traitement reçu par le premier groupe. Sinon quoi une différence sera nécessairement observée (l'effet placebo propre du traitement B), et l'on risque de conclure à tort de l'intérêt du traitement B !
Un médicament qui, administré dans les mêmes conditions qu'un placebo, n'obtient pas un taux de guérison supérieur ne mérite ni d'être commercialisé, ni d'être remboursé... ce qui est pourtant le cas de certains d'entre eux !
Qu'est-ce qu'un essai "en double aveugle" ?
Si on vous dit qu'un essai clinique se déroule en double aveugle, vous serez peut-être doublement inquiet... Il s'agit pourtant d'une garantie de très grande qualité de l'étude, car cela signifie que ni le patient, ni son médecin ne peuvent savoir qui a le médicament testé et qui a un placebo. Ce secret est impératif pour garantir l'objectivité de l'évaluation d'un nouveau traitement.
Si le patient sait qu'il prend un placebo, l'intérêt de la procédure est évidemment nulle. Mais lorsque la personne qui administre le traitement est dans le secret, on constate également que les résultats sont biaisés. En modifiant son comportement, même de façon subtile, à l'égard des patients traités par placebo, il peut influencer les résultats. Cela ouvre également la porte à la fraude.
Seuls les personnes qui dépouillent les résultats de l'essai, une fois celui-ci terminé, doivent être autorisés à accéder aux registres distinguant patients recevant la véritable thérapie de ceux recevant un placebo (on parle de "levée d'aveugle").
Ce secret qui exige une logistique extrêmement rigoureuse.
Créer un placebo qui ressemble à s'y méprendre au vrai traitement
Dans le reportage ci-dessus, nous vous présentons l'exemple de l'essai clinique ASTER, destiné l'évaluation d'un traitement supplémentaire contre le glioblastome, une tumeur du cerveau particulièrement menaçante.
Cet essai concerne un traitement qui pourrait freiner la croissance de la tumeur. Il limiterait aussi l'inflammation liée à la radiothérapie qui oblige souvent à prendre des corticoïdes. Les patients participant à l'essai clinique prennent deux comprimés par jour, mais sans savoir si les boîtes contiennent un placebo ou le véritable traitement. C'est la clé d'une évaluation objective : "Un des critères de l'essai, c'est la dose de corticoïdes dont le patient aura besoin en fin de radiothérapie", explique le Pr Antoine Carpentier, chef du service de neurologie de l'hôpital Avicenne, "ce critère est laissé à l'appréciation du médecin qui le suit et de la plainte du patient. C'est la raison pour laquelle on réalise l'essai en double aveugle, cela signifie que le patient ne sait pas ce qu'il prend et le médecin ne sait pas ce qu'il donne".
En attendant la levée d'aveugle, l'évolution de tous les patients qui participent à l'essai fait l'objet d'un suivi rapproché comme le confirme le Pr Antoine Carpentier : "Dans un essai clinique, il y a un comité de surveillance qui analyse à la fois les effets secondaires indésirables et à la fois l'efficacité tout au long de l'essai. Car on ferait perdre des chances à ceux qui ont le placebo si le médicament est très efficace, ou on ferait courir un risque aux patients si le médicament est toxique". À la moindre alerte l'essai serait arrêté.
Si l'essai clinique continue, la production des comprimés nécessaires continue également. Une logistique assurée par des structures très particulières entièrement publiques. Le traitement contre le glioblastome actuellement testé a en fait été conçu contre l'hypertension artérielle et n'est plus protégé par un brevet : "Plus aucun industriel n'a aucun intérêt à développer de nouvelles indications pour un vieux produit. Même si on a une très bonne idée, elle n'intéresse plus personne dans une stratégie commerciale, dans une stratégie de retour sur investissement", confie le Dr Annick Tibi, responsable du département essais cliniques de l'Agence générale des équipements et produits de santé.
C'est l'établissement pharmaceutique de l'AP-HP qui sécurise parmi d'autres l'organisation de l'essai ASTER pour le glioblastome, avec d'un côté les placebos et de l'autre le vrai traitement dit actif. Les comprimés acquièrent alors leur identité tout en gardant leur mystère. L'étiquette ne trahit rien de leur contenu, elle comprend un simple numéro. Ce numéro correspond à un patient auquel le tirage au sort a attribué soit le traitement, soit le placebo. Et même s'il ne contient que du sucre, c'est en fait souvent l'élément le plus difficile à obtenir.
Pour certains essais, la production du placebo peut en effet coûter quinze fois plus chère que le traitement. Une note heureusement limitée pour les comprimés assez simples à fabriquer pour l'essai ASTER.
Comment sont contrôlés les essais cliniques ?
En janvier 2016, un accident dramatique est survenu au cours d'un essai thérapeutique à Rennes, en France, mené par le laboratoire Biotrial. Un patient est décédé, et quatre autres présentent des troubles neurologiques "de gravités différentes", selon le C.H.U qui les a pris en charge.
Dans l'émission du 18 janvier 2016, nous sommes revenus avec le professeur Christian Funck-Brentano, pharmacologue, sur l'encadrement des essais cliniques.
A noter que le 17 janvier, le laboratoire Biotrial avait annoncé, dans un communiqué, souhaiter "proposer, en relation avec la communauté scientifique internationale, le cas échéant, des évolutions des standards encadrant ces essais".