Pied-bot, une malformation très bien soignée
Tous les muscles et toutes les articulations jouent un rôle dans le fonctionnement du pied. La moindre malformation a donc souvent des répercussions gênantes et ces malformations sont nombreuses ! Parmi elles, le pied-bot touche un enfant pour 1.000 naissances.
Qu'est-ce que le pied-bot ?
Le pied-bot est une malformation du pied décrite en médecine depuis Hippocrate. Il s'agit aujourd'hui de la déformation orthopédique la plus fréquente, elle touche environ un nouveau-né sur 1.000. En majorité, des garçons.
Le pied-bot est dû à une rétractation de certains muscles et de certains tendons de la jambe, associée à des malformations osseuses. Le pied ne peut donc pas prendre appui normalement sur le sol. Il existe quatre déformations principales :
- l'équin : lorsque le pied, en extension forcée, remonte vers la cheville et ne repose jamais sur le talon. Seule la pointe des pieds touche le sol. On parle d'équin en référence aux sabots du cheval, qui semble lui aussi marcher "sur la pointe des pieds". En latin, equus signifie d'ailleurs "cheval".
- le varus de l'arrière-pied : lorsque le talon rentre vers l'intérieur alors que normalement, quand on regarde une personne de dos, le talon est légèrement à l'extérieur de la jambe.
- la supination : quand le pied est orienté vers le ciel plutôt que vers le sol.
- l'adduction : quand l'avant du pied est tourné vers l'intérieur.
Le pied-bot peut être diagnostiqué dès l'échographie du cinquième mois. Pendant l'échographie, il faut imaginer que le bébé bouge mais son pied, lui, reste fixé dans une position et ne bouge pas du tout. Le traitement du pied-bot commence très tôt, généralement dès la naissance, car les pieds des nouveau-nés sont encore très malléables. Ils ne contiennent pratiquement pas d'os mais du cartilage, sorte de tissu mou.
Si le pied-bot n'est pas rapidement pris en charge, la déformation va s'aggraver tout au long de la vie et exercer des contraintes sur les articulations, des mauvais appuis à la marche, de l'arthrose, des douleurs… Une des techniques de référence aujourd'hui est la méthode de Ponseti, du nom du chirurgien qui l'a développée dans les années 1950 aux Etats-Unis. Pour éviter l'opération, il a eu l'idée de traiter le pied-bot grâce à des plâtres.
Pied-bot : redresser le pied des bébés
Des techniques adaptées permettent de remodeler les pieds des nouveau-nés. La technique dite de "Ponseti", du nom d'un des premiers chirurgiens orthopédistes à avoir essayé d'éviter l'opération, consiste à traiter le pied-bot de manière non chirurgicale grâce à des plâtres.
La technique Ponseti est un traitement correctif du pied-bot, qui consiste à appliquer une succession de plâtres ou de coques, changés régulièrement, pour obtenir un alignement quasi normal des os et des muscles du pied.
En France, plusieurs équipes utilisent plutôt une autre méthode, qui consiste à placer les pieds des bébés dans la bonne position par des petites tablettes et des bandages.
Malgré tout, l'opération reste encore assez fréquente au cours de la croissance lorsque la cheville est en quelque sorte trop raide. L'intervention consiste à couper le tendon par une petite incision à l'arrière de la jambe.
Pied-bot : une rééducation intense
Autrefois, pour faciliter la marche, les sujets victimes souffrant d'un pied-bot portaient de très grosses chaussures.
Actuellement, l'échographie permet de réaliser un diagnostic prénatal et donc, une prise en charge dès la naissance par un kinésithérapeute. En effet, dès les premiers jours de vie, la place de la kinésithérapie est essentielle, avec des séances quotidiennes. Le traitement du pied-bot exige donc un engagement important des parents sur la durée.
Des séances de rééducation, débutées rapidement, peuvent parfois suffire. Mais pour certains enfants souffrant de formes graves, les traitements peuvent être plus complexes.
Pied-bot : quand la chirurgie est nécessaire
Lorsque les malformations sont trop sévères pour que la kinésithérapie les corrige, il faut passer à un traitement plus lourd.
Un suivi est aussi nécessaire car de petites malformations peuvent persister. Elles entraîneraient alors des douleurs un peu plus tard, à l'adolescence.
Pied-bot : des exercices pour empêcher la récidive
Un des pièges du pied-bot est la menace permanente de risque de récidive qui persiste derrière une apparente réparation.
Cela fait sept ans qu'Iris et ses parents luttent pour préserver son pied droit.
Le pied-bot, toute une histoire
Aujourd'hui, le pied-bot est très bien pris en charge. Pourtant, dans l'imaginaire collectif, cette malformation a longtemps été mal perçue. On pense par exemple aux grosses chaussures orthopédiques. Et il y a quelques siècles, le pied-bot était même associé aux mendiants et autres disgraciés arpentant les rues en boitant.
Toute déformation du pied était alors catégorisée "pied-bot". À tort. Un petit tour au musée permet parfois de rétablir certaines vérités médicales.
Dans un paysage surmonté d'un vaste ciel, sourire en coin et canne sur l'épaule, se tient un jeune mendiant, infirme. Intitulé "Le pied-bot", le tableau fait la gloire de son auteur, Giuseppe de Ribera, un peintre espagnol installé à Naples au XVIIe siècle.
Selon le Pr Frank Fitoussi, chirurgien orthopédiste, ce tableau porte pourtant bien mal son nom : "Lorsque l'on regarde le tableau, on s'aperçoit que l'enfant peint par Ribera ne présente pas du tout un pied-bot. Il présente en réalité une hémiplégie". À l'époque, les médecins n'ont pas encore mis de nom sur cette maladie, mais elle existe déjà. Elle est liée à des conditions d'accouchement difficiles qui au XVIIe siècle sont courantes. Le cerveau mal oxygéné entraîne des troubles moteurs que le peintre a parfaitement détaillés.
Ce sens du détail propre aux naturalistes a permis aux médecins du XXIe siècle d'analyser avec précision les symptômes de cet enfant. Et leur diagnostic s'est confirmé, en aucun cas il ne souffre d'un pied-bot : "Les enfants qui ont un pied-bot ont une anomalie isolée du pied et souvent, ils arrivent à courir, à sauter, ils peuvent même faire du sport, jouer au foot… Or, les enfants qui présentent une hémiplégie ont souvent une faiblesse au niveau des muscles de l'ensemble du membre inférieur, parfois même des rétractions musculaires et ils doivent parfois utiliser une canne", explique le Pr Fitoussi.
L'atteinte musculaire de l'enfant est d'ailleurs plus étendue qu'il n'y paraît. En observant attentivement le tableau de Ribera, un indice saute aux yeux. Sa façon quelque peu inhabituelle de tenir son chapeau : "Le poignet et les doigts sont recroquevillés ce qui amène à penser que cet enfant présente également une atteinte motrice au niveau de sa main et de son poignet droit. L'association d'une atteinte de la main et du pied est très évocatrice du diagnostic d'hémiplégie", confirme le Pr Fitoussi. À l'aune de ces éclairages, l'heure est peut-être venue de rebaptiser le tableau du célèbre peintre espagnol.