Robots chirurgicaux : ni mieux ni moins bien que les autres techniques
Deux récentes études montrent qu’il reste difficile de juger l’apport des très coûteux robots chirurgicaux pour les patients. Ils améliorent au moins le confort des médecins.
"La chirurgie robot-assistée a fait l’objet d’un marketing intense, auprès des praticiens et des hôpitaux mais également auprès des patients." Publié dans la prestigieuse revue Jama (Journal of the American Medical Association), l'éditorial du Pr Jason D. Wright surprend : l'emballement autour de la pratique de la chirurgie assistée par des robots serait essentiellement une affaire de publicité. Le Jama, avec deux études, montre en effet que la preuve de l'efficacité de cette technique reste à faire. Sa mise en place a été décidée "malgré le manque de données montrant l’efficacité de cette procédure", écrit le Pr Jason D. Wright.
Même si elles ont leurs limites, par leur petit panel de patients ou par leur méthode, les deux études publiées mercredi 25 octobre n'ont pas pu identifier clairement les bénéfices des opérations robots-assistées pour les patients. La supériorité sur une "classique" coelioscopie, appelée aussi chirurgie laparoscopique (1) n'apparait ni dans l'étude réalisée sur la chirurgie digestive ni dans celle portant sur la néphrectomie publiées dans le Jama.
Image d'une coelioscopie
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Une mauvaise nouvelle pour la société Intuitive Surgical, qui fabrique ces robots, mais une bonne nouvelle pour tous les patients dont les chirurgiens travaillent encore "à l'ancienne". "Ceux qui ne sont pas opérés pas des robots ne sont pas moins bien soignés. C’est important de le dire", insiste le Pr Desgrandchamps, urologue à l’hôpital Saint-Louis.
Ceux qui se remettent entre les "mains" des robots ne doivent pas s'inquiéter pour autant : selon les deux études américaines, ces machines n'entraînent pas davantage de complications post-opératoires et leur taux de réussite est semblable à celui des autres techniques, ouverte ou laparoscopique. Cette façon d'opérer n'est donc ni meilleure ni pire que les autres options. Mais alors, pourquoi est-elle en vogue parmi les chirurgiens ?
Tout viendrait d'une sorte de pouvoir de séduction de ces robots... Chef du service de l’évaluation des actes professionnels à la Haute autorité de santé (HAS), le Dr Cédric Carbonneil pense qu’une partie de l’enthousiasme des chirurgiens vient de "l’attrait de la nouveauté. On est sur de la haute technologie." "C’est de la belle chirurgie", abonde le Pr Desgranchamps. Et l'urologue insiste sur un autre aspect non négligeable : le robot apporte du "confort au chirurgien". Un praticien aidé d’un robot est assis, à l’écart, dispose d’une vision 3D et ne manie que des joysticks. Moins fatigué, il sera plus lucide et plus précis pour les opérations effectuées en fin de journée.
1,5 million d'euros
Le confort vaut-il le surcoût ? Le Pr Desgrandchamps reconnait la pertinence de cette interrogation. Mais il voit mal comment freiner l'engouement actuel. "On espère simplement que les prix vont baisser", précise-t-il. Chaque robot vaut en effet 1,5 million d’euros, auxquels il faut rajouter de lourds frais d’entretien. La HAS avait d'ailleurs rendu un avis favorable au remboursement de ces machines avec l'espoir que la mesure allait favoriser la concurrence. Resterait encore la question des surcoûts inhérents à l'installation des robots. Dans une évaluation de la chirurgie robot-assistée pour les prostatectomies totales publiée en novembre 2016, la Haute Autorité pointait ainsi le problème de la réorganisation des locaux. "Il est nécessaire notamment de disposer d’un bloc opératoire d’une superficie suffisante et d’une ergonomie qui permette la circulation aisée de l’équipe et de l’anesthésiste, écrit la HAS, avant de poursuivre : Il apparait que les exigences en matière de stérilisation et de gestion des risques sont complexes."
Reportage diffusé le 5 juin 2017
Le Dr Cédric Carbonneil et ses équipes vont continuer à évaluer l’efficacité de ces machines sur la néphrectomie en 2018. "Il y a une nécessité pour les patients de disposer d’une information objective et loyale entre les différentes alternatives", affirme le Dr Carbonneil. Ils peuvent pour l’instant se rassurer sur la sécurité de ces robots : "Le message est que ça n’est pas moins bien que le reste, résume le Pr Desgrandchamps. On s’attendait à ce que ça soit mieux, mais ça n’est pas moins bien."
(1) Dans cette technique, le chirurgien manipule lui-même les instruments insérés par de petites incisions dans le corps du patient sous le contrôle d'une petite caméra généralement entrée au niveau du nombril.