Attentats de Paris : le récit d'un médecin du RAID
Après avoir travaillé pour le SAMU, Matthieu Langlois est depuis 2007 médecin-chef du RAID (Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion). Dans son livre intitulé "Médecin du RAID : vivre en état d'urgence" (ed. Albin Michel), il décrit précisément son intervention au Bataclan lors des attentats du 13 novembre 2015.
- Etiez-vous préparé à la situation que vous avez rencontrée le 13 novembre ?
Dr Matthieu Langlois, médecin-chef du RAID : "Nous sommes préparés. On travaille depuis très longtemps sur des scénarios similaires à ce qu'on a vécu au Bataclan. Par définition, la crise c'est l'urgence mais surtout l'imprévu face auquel on doit s'adapter. On s'attendait à ce genre de situations mais quand on rentre dans le Bataclan, on est mis dans la réalité très brutale et il faut tout de suite appliquer ce que l'on a appris à l'entraînement, tous les principes, toute la doctrine qu'on a mis en place."
- Comment avez-vous procédé le soir du 13 novembre ?
Dr Matthieu Langlois : "Dans le cadre du Bataclan, il y avait énormément de victimes et la priorité pour les médecins comme pour l'ensemble des opérateurs RAID, BRI et autres services de police… était d'extraire le plus rapidement possible les victimes du danger (...) Dans ces moments-là, l'humain, le relationnel est très important et déterminant car il faut expliquer aux victimes pourquoi on agit d'une telle manière et pas autrement…"
- Quel est votre équipement au cours des interventions ?
Dr Matthieu Langlois : "Les médecins du RAID ne sont absolument pas policiers. En revanche, nous avons un équipement de protection qui s'apparente à celui des opérateurs du RAID. Mais notre rôle est uniquement de soigner. Tout ce qui est protection, neutralisation de la menace, assurer notre propre protection… ce sont les opérateurs du RAID qui s'en chargent. Notre mission, c'est la partie soins.
"Dans ces situations, il faut bouger, il faut être mobile… chaque année on retravaille l'équipement que l'on va amener pour l'affiner, pour être très efficace sur les blessures que l'on va rencontrer. Nous avons donc du matériel de sauvetage qui va nous permettre de mettre des garrots, d'exsuffler des thorax, de faire de l'analgésie… mais tout va dépendre du nombre de victimes. S'il n'y a qu'une seule victime, on la prendra beaucoup mieux en charge au sens médical du terme qu'au Bataclan, où on gère la globalité des victimes. Quand on arrive sur place, notre rôle de médecin est de prendre des décisions en fonction de la globalité des victimes. On ne peut pas faire du cas par cas sinon on ne s'en sort pas."
- En tant que médecin du RAID, avez-vous un entraînement spécifique ?
Dr Matthieu Langlois : "Les contraintes physiques du médecin sont très fortes. Il faut surtout être capable malgré les contraintes de prendre les bonnes décisions. Il ne faut pas que le physique vous lâche sinon ensuite le psychologique lâche aussi."
- Quel est votre rôle psychologique auprès des membres du RAID ?
Dr Matthieu Langlois : "La partie psychologique fait partie du métier de médecin. Notre mission est aussi d'assurer le soutien opérationnel au profit des opérateurs du RAID. Et ils savent très bien, quand ils sentent que le danger est réel, d'un regard vérifier qu'on est présent."
- Des polémiques sont apparues concernant la rapidité d'intervention des secours… Cela vous a-t-il blessé ?
Dr Matthieu Langlois : "C'est probablement la raison pour laquelle j'ai voulu écrire ce témoignage. C'est un témoignage pudique, fort mais réel. Il était important pour moi de dire la vérité pour faire taire certaines polémiques, pour répondre à des questions, à des doutes que les familles des victimes notamment peuvent avoir. Je comprends qu'il y ait des doutes et je pense que la meilleure façon de faire cesser certains fantasmes, en particulier médicaux, c'est de témoigner et c'est ce que j'ai voulu faire dans ce livre."
- Avez-vous réalisé un débriefing de votre intervention au Bataclan ?
Dr Matthieu Langlois : "Passée la période de l'émotion, nous avons passé pratiquement un an à faire des analyses notamment techniques. Pour ma part, cela concernait la partie secours, médicale. Nous avons partagé et échangé avec de nombreux médecins, secouristes et pompiers pour savoir ce qu'on peut améliorer. On fait systématiquement des analyses. On se prépare avant, on s'adapte pendant la crise et on essaie de s'améliorer après.
"On regarde aussi ce qui se fait ailleurs. On n'est pas centré et focalisé uniquement sur la France. On regarde, on échange avec les Américains, les Allemands, les Anglais et on a tous cette problématique. Avant le Bataclan, personne n'avait vécu ce que l'on a vécu. On est dans l'échange. Il est hors de question de parler d'une réussite d'une opération face à un tel drame. Mais on a fait ce que l'on avait prévu de faire, on s'est adapté et il y a forcément aussi beaucoup d'améliorations à apporter et c'est ce que l'on fait au quotidien."
Livre :
- Médecin du RAID
Vivre en état d'urgence
Matthieu Langlois
Ed. Albin Michel, octobre 2016