Le privé, une solution à l’engorgement des urgences ?
Le nombre de passages aux urgences a atteint un nouveau record en 2016 avec 21 millions de patients. Face à l'engorgement des urgences publiques, les acteurs du secteur privé proposent d’accueillir davantage de patients.
La Fédération des cliniques et hôpitaux privés de France (FHP) souhaite parvenir à doubler le nombre de passages dans les services d'urgences des établissements privés lucratifs. À l'heure actuelle, ces quelques 130 structures d'urgences reçoivent en moyenne 3 millions de patients par an. Alors faut-il orienter davantage d’usagers vers les urgences privées ? Le dr Mathias Wargon, chef du service des urgences de l’hôpital Delafontaine, à Saint-Denis (93) répond aux questions du Magazine de la santé.
- Comment se traduit cet afflux de patients toujours plus nombreux aux urgences ?
Dr Mathias Wargon : « Maintenant les patients arrivent en continu, de jour, mais aussi la nuit. Ça ne s’arrête plus. Il n’est pas rare qu’entre minuit et 8 heures du matin, il y ait une activité qui soit comparable à celle de la journée mais forcément, avec un nombre de personnel réduit. »
- A l’approche de l’été, entre les congés et les sous-effectifs, comment les urgences vont fonctionner ?
Dr Mathias Wargon : « Je suis très inquiet. Il y a des services en Ile-de-France qui déjà fonctionnent avec un seul médecin la nuit alors qu’ils ont entre 60.000 et 80.000 passages par an. Tous les ans, il y a des fermetures de lits de SMUR et il est probable que cela se reproduise cet été. Les médecins ont aussi le droit d’avoir des vacances et des horaires normaux ! »
- Les urgences privées sont-elles la solution pour désengorger le public ?
Dr Mathias Wargon : « Non, ça n’est pas la solution, pour plusieurs raisons. D’abord, beaucoup d’urgences privées sont aussi surchargées, notamment en région parisienne et ont elles aussi des problèmes de recrutement. Ensuite, les services d’urgences privées représentent 15% seulement de tous les services d’urgences. Donc c’est de la politique ! Ça n’est pas de la médecine, le privé veut une part du gâteau et la part la plus facile. Les services d’urgences privées font essentiellement de la traumatologie et il faut le dire, il y a des services d’urgences privées qui jouent le jeu mais beaucoup de services d’urgences privées trient les patients qu’ils viennent avec les pompiers ou le SAMU »
- Qu’entendez vous par « trier » les patients ?
Dr Mathias Wargon : « Ils refusent des patients trop compliqués ou trop vieux et polypathologiques, parfois même ils ne reprennent pas leurs propres patients, je l’ai vécu. Et parfois ils n’ont pas le plateau technique nécessaire pour prendre en charge le patient. Un patient qui arrive par le Samu, c’est un patient qui peut aller en réanimation et ensuite il faut que le patient paye. Si le patient n’a pas la Sécu, ils ne le prennent pas. Dans le public, nous prenons tous les patients qui n’ont pas de Sécu, pas d’AME, pas de CMU donc des patients qui vont grever le budget de l’hôpital. Les cliniques ne le disent pas mais elles ne prennent que des patients qui vont rapporter de l’argent. Donc je suis entièrement d’accord pour que tout le monde puisse travailler, mais dans ce cas, il faut se répartir la charge, et même les patients qui ne sont pas « viables » ».