Flavie Flament : "Votre cerveau oublie ce qui est insoutenable"
En avril 2017, la mission de consensus menée par Flavie Flament et l’ancien magistrat Jacques Calmettes proposait la prolongation du délai de prescription à 30 ans, après la majorité de la victime, en cas de viol sur mineur. La garde des Sceaux s'est positionnée hier dimanche en faveur de cet allongement.
Dans un entretien accordé le 19 novembre au Parisien, veille de la Journée internationale du droit des enfants, Nicole Belloubet s'est prononcée pour l'allongement du délai de prescription en cas de viol sur mineur qui est actuellement de 20 ans après la majorité de la victime.
Si le délai de prescription est allongé à 30 ans, les victimes pourraient porter plainte jusqu'à l'âge de 48 ans, et non plus 38 ans, comme c'est le cas aujourd'hui. Cette modification permettrait de prendre en compte le phénomène d’amnésie traumatique, une période pendant laquelle la victime refoule les violences qu’elle a subies et qui peut durer plusieurs dizaines d’années.
L'amnésie traumatique au coeur de la réflexion
Il y a un an, Flavie Flament était nommée à la tête d’une mission de réflexion sur le prolongement du délai de prescription pour les viols. L’animatrice, qui a elle-même été violée à l’âge de 13 ans par le photographe David Hamilton, explique avoir inconsciemment enfoui ses souvenirs pendant de longues années avant de réaliser pleinement ce qu’elle avait vécu. Aussi n’a-t-elle jamais pu porter plainte contre le photographe, le délai de prescription étant passé.
Son cas est loin d’être isolé. En effet, l’amnésie traumatique concernerait une partie importante des victimes de viol. Il y a deux ans, le collectif Stop au déni a réalisé une enquête auprès de 1.214 victimes de violences sexuelles. Parmi elles, 37% de celles qui étaient mineures au moment des faits affirment avoir expérimenté une amnésie traumatique, qui a parfois duré jusqu'à l'âge de 40 ans, voire plus.
Ce phénomène est dû "à des mécanismes neurologiques opérés par le cerveau pour survivre. Au moment de l'agression, le stress est tellement extrême qu'il représente un danger vital pour l'enfant. Pour le stopper, le cerveau fait « disjoncter » le circuit émotionnel, et la mémoire avec. […] La mémoire des faits reste bloquée dans l'amygdale cérébrale, cette petite structure non consciente qui gère les réponses émotionnelles de l'individu", explique à Mme Figaro le Dr Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie.
"Une sorte de mécanisme « escape »"
Le 5 novembre, après la diffusion du téléfilm La Consolation, qui retrace le combat de Flavie Flament, France 3 a diffusé un débat intitulé Contre le viol : oser parler pour se reconstruire, en présence de l’animatrice et des Dr David Gourion, Xavier Pommereau et Gilles Lazimi. "Une sorte de mécanisme « escape » fait qu’on ne va pas garder cet épisode dans la mémoire normale, mais qu’il va migrer dans la mémoire traumatique", explique le psychiatre David Gourion. "On a découvert qu’un tiers des filles qui ont des envies suicidaires présentes dans notre service ont été abusées sexuellement", ajoute le psychiatre au CHU de Bordeaux et spécialiste des troubles de l’adolescence Xavier Pommereau.
Dans ce contexte de libération de la parole, le 16 octobre, Marlène Schiappa a expliqué que le futur projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, débattu en 2018, comporterait un allongement du délai de prescription dans les affaires de viols sur mineurs. Mercredi 15 novembre, France 5 a diffusé le documentaire Viols sur mineurs, Mon combat contre l’oubli, co-réalisé par Flavie Flament, dans lequel l’animatrice explique comment elle a replongé au cœur de sa mémoire traumatique.