Déconfinement et violences conjugales : les associations toujours en alerte
Le signalement de violences conjugales a bondi de 60% pendant le confinement en Europe. Le déconfinement donne de l'air aux associations qui peuvent de nouveau aider les victimes dans leurs démarches.
Le confinement est loin de protéger de tout : l’OMS a relevé une augmentation de 60% des signalements de violences conjugales dans toute l’Europe confinée à cause du Covid-19.
Début mai, le ministère de l’Intérieur faisait état d’une augmentation de 40% des interventions policières liées aux violences conjugales. Cela traduit bien sûr une augmentation du nombre de violences, mais la hausse des signalements signifie aussi que la problématique est plus largement connue de la population. " Les voisins passent plus de temps chez eux, donc ils sont davantage témoins de ce qui peut se passer. On en a aussi beaucoup parlé dans les médias, donc les gens ont dû être plus alertes ", explique Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes.
" Déjà en temps normal, un conjoint violent prend sa femme comme exutoire "
Ces chiffres à la hausse ne sont malheureusement pas étonnants. " À partir du moment où on vit avec un auteur de violence et avec beaucoup plus de freins pour sortir du domicile … ça explique une augmentation importante des violences conjugales ", explique Françoise Brié, directrice générale de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF).
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" Déjà en temps normal, un conjoint violent prend sa femme comme exutoire ", ajoute Anne-Cécile Mailfert.
Le confinement favorise l’apparition ou l’aggravation de violences intrafamiliales de plusieurs façons. Être "coincé" avec un conjoint ou un parent violent joue, bien sûr, mais la montée générale du stress et de l’angoisse aussi.
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Le déconfinement était très attendu
" On était très inquiètes pour les femmes durant le confinement. La perspective qu’elles aient quelques espaces de sortie du domicile aujourd’hui pour retrouver de la liberté de mouvement nous rassure un peu", rapporte Françoise Brié.
Pendant le confinement, des entretiens avec des victimes ont pu être assurés par téléphone, les associations étant passées en télétravail. Mais le contexte a forcé à l’arrêt les procédures de relogement pour les femmes en hébergement d'urgence et les procédures judiciaires pour celles qui ont décidé de porter plainte.
Selon Françoise Brié, "l'entretien physique permet d’avoir des échanges plus approfondis, plus de contact et de compréhension de la situation. On peut accompagner les victimes pour porter plainte si elles le souhaitent, au tribunal, etc. Le déconfinement permet aussi de mettre fin à l’isolement, qui est la stratégie de l’agresseur. Il faut reprendre le lien social. "
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Le nombre de signalements va sans doute encore grimper
Pour Anne-Cécile Mailfert, " il faut se préparer à un afflux de demandes de la part des femmes qui vont avoir plus de liberté de mouvement, notamment si le conjoint violent reprend le travail." En parallèle, le contexte suscite toujours angoisse et stress, ce qui signifie une violence accrue si les agresseurs utilisent leurs victimes comme exutoires.
La solidarité, la belle leçon du confinement
Les deux dirigeantes de structures ont constaté que la situation avait été mieux gérée qu’elles n’avaient espéré pendant le confinement. Françoise Brié salue la fluidité des échanges avec les forces de l’ordre : " Il y a eu des interventions domicile sur plusieurs situations. Il faut en tirer le meilleur pour améliorer la prise en charge sur la durée. "
En ce qui concerne Anne-Cécile Mailfert, c’est la mobilisation générale inédite qui l’a marquée. " En Ile-de-France, on a pu prendre en charge 200 personnes de plus qu’en temps normal, les donateurs vont se dire que ça a été utile. En quelques semaines, on a recueilli deux millions d’euros ! Tout le monde s’est mis en ordre de guerre. "
" Il y a eu une prise de conscience générale et on ne peut pas revenir en arrière là-dessus. On s’aperçoit qu'on peut agir et trouver des solutions en quelques semaines, s’émeut-elle. On va peut-être descendre un peu en intensité parce que c’est très fatiguant, mais les résultats donnent envie de continuer sur cette lancée. "