Violences conjugales : les femmes pourront maintenant porter plainte à l’hôpital
Médecins et associations se réjouissent de cette déclaration du Premier ministre mais craignent un effet d'annonce et un manque de moyens pour faire appliquer cette mesure.
"Quand une femme se rend aux urgences pour coups et blessures, c’est déjà suffisamment pénible. Si elle doit retourner chez elle avant de porter plainte, elle retrouvera son conjoint qui risque de la menacer", a déclaré Edouard Philippe le 4 septembre, lors de la première journée du Grenelle sur les violences conjugales. Le chef du gouvernement a ainsi annoncé que la possibilité pour les victimes de porter plainte au sein même de l’hôpital serait généralisée dès le 25 novembre, date de la fin du Grenelle.
"Les victimes finissent par revenir pour les mêmes violences"
Quelques établissements français proposent déjà ce service, mais ils restent minoritaires. Pourtant, étendre cette disposition permettrait d’éviter bien des drames, selon la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert. "Ca éviterait aux victimes de se déplacer jusqu’au commissariat. Dans une situation aussi extrême, une femme n’a pas forcément envie de traverser la ville, de patienter dans la salle d’attente, et de parler entre des murs gris à des officiers de police qui ont parfois d’autres dossiers à gérer en même temps" développe-t-elle.
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Un avis partagé par Anthony Chauvin, médecin urgentiste à l’hôpital Lariboisière, à Paris. Celui-ci constate que dans son service, à l’heure actuelle, il est souvent difficile de protéger les patientes, et que les personnels restent impuissants face à la situation. "Fréquemment, des victimes rentrent chez elles et ne portent pas plainte. Elles finissent par revenir pour les mêmes violences. Souvent sous des motifs déguisés, d’ailleurs", déplore-t-il.
Pas de résultats sans moyens supplémentaires
Les deux spécialistes reconnaissent toutefois que sans moyens supplémentaires alloués à la police, il sera difficile – sinon impossible – d’étendre la possibilité de porter plainte à l’hôpital. "Le policier qui sera à l’hôpital pour prendre une plainte ne sera plus au commissariat. Il ne faut pas « remplir » un côté pour vider de l’autre !" prévient Anne-Cécile Mailfert. Autre frein à cette mesure souhaitée par Edouard Philippe : la frilosité des directeurs d’hôpitaux à l’appliquer. D’après Anthony Chauvin, le mélange entre le médical et le juridique peut faire peur, d’où certains blocages.
Ce dispositif dépend en effet de conventions passées entre les hôpitaux et les commissariats. En d’autres termes, garantir, ou non, cette sécurité aux patientes dépend du bon vouloir des directeurs d’établissements. Anne-Cécile Mailfert assure rester vigilante : "Combien d’hôpitaux vont signer des conventions ? On attend des pouvoirs publics qu’ils fixent des objectifs aux services hospitaliers." La Fondation des femmes, qui participe au Grenelle, entend bien obtenir des garanties de la part du gouvernement.
Un effet d’annonce ?
Reste que la peur de l’effet d’annonce plane, comme toujours… "Parfois, avec la pression médiatique et populaire, certaines déclarations ne sont pas suivies d’effets. Une nouvelle urgence chasse l’autre. Des tas de dispositions contre les violences faites aux femmes existent, sans pour autant avoir été mises en place" constate tristement Anne-Cécile Mailfert. D’autant qu’avec la crise des urgences et les difficultés globales de l’hôpital public, les directeurs sont débordés.
Le Grenelle des violences conjugales se tiendra jusqu’au 25 novembre. Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site du gouvernement ou de la Fondation des femmes.