Violences conjugales : où en sont les mesures du Grenelle ?
La plupart des mesures ne sont pas encore appliquées. "Quand le temps court, les meurtres s'accumulent" s'alarme la Fondation des Femmes.
Neuf mois après la conclusion du Grenelle contre les violences conjugales, deux lois ont été votées, en décembre 2019 et en juillet dernier - mais la plupart des mesures ne sont pas encore appliquées.
1.000 places d'hébergement supplémentaire créées
Ces nouvelles places d'hébergement et de logement d'urgence, ouvertes aux femmes fuyant leur domicile en raison des violences, ont été créées en 2020, a assuré en mars l'ex-secrétaire d'État à l'Égalité femmes-hommes Marlène Schiappa.
Elles se décomposent en 250 hébergements d'urgence et 750 solutions de relogement temporaire pour les victimes, sous la coordination des préfets.
"Impossible de savoir où sont ces places", nuance la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert, qui explique que les associations ont des difficultés à identifier les lieux d'accueil, malgré leurs demandes auprès du ministère en charge du Logement.
Les bracelets anti-rapprochement lancés à l'automne
C'est l'une des mesures phare promises pour lutter contre les féminicides: les 1.000 premiers bracelets anti-rapprochement pour les conjoints ou ex-conjoints violents seront déployés en septembre, a promis en juillet le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti.
Ces bracelets, qui existent dans plusieurs pays européens, notamment en Espagne où les féminicides ont baissé de manière significative, permettent de les géolocaliser et de les maintenir à distance par le déclenchement d'un signal.
"L'appel d'offre a mis énormément de temps, cela va faire un an qu'on attend alors qu'il s'agit d'une mesure d'urgence", regrette Anne-Cécile Mailfert de la Fondation des femmes, "et quand le temps court, les meurtres s'accumulent". Ce dispositif, qui vise à être généralisé courant 2021, avait été chiffré entre 5 et 6 millions d'euros lors de son annonce.
Le numéro d'urgence 3919 24h/24 reporté au printemps
Cette ligne d'urgence pour les femmes victimes de violences conjugales n'est aujourd'hui ouverte que de 9H00 à 19H00, du lundi au samedi. Alors qu'il devait être opérationnel 24H/24 "d'ici la fin de l'année", comme l'avait assuré Marlène Schiappa, l'extension de la plage horaire est désormais repoussée au printemps 2021.
Le marché public sera lancé à l'automne, au regret de la présidente de la Fondation des femmes: "C'est incompréhensible que ces mesures prennent autant de temps alors qu'il s'agit d'une question de vie ou de mort", déplore Anne-Cécile Mailfert.
Les ordonnances de protection en vigueur
Ce dispositif vise à protéger la victime de violences conjugales en lui accordant des mesures de protection judiciaire: il permet par exemple d'obtenir d'un juge l'interdiction au conjoint violent d'entrer en contact avec sa femme.
Un décret visant à faciliter le recours à ces ordonnances est entré en vigueur le 3 juillet. Une loi, adoptée en décembre, a ramené à six jours le délai d'obtention de ce dispositif, contre 42 jours en moyenne jusqu'alors.
En 2019, quelque 4.000 ordonnances de protection ont été demandées, soit 20% de plus par rapport à 2018, selon des chiffres du gouvernement. "Le taux d'acceptation par les juges est passé à 65%", s'est félicité Nicole Belloubet en juin. Mais pour Ernestine Ronai, qui préside l'observatoire des violences faites aux femmes en Seine-Saint-Denis, "c'est très peu, quand on sait que 220.000 femmes déclarent être victimes de violences".
Levée du secret médical votée fin juillet
La proposition de loi adoptée le 22 juillet par le Parlement, destinée à mieux "protéger les victimes de violences conjugales", introduit notamment une exception au secret médical en cas de "danger immédiat".
Cette disposition autorisera tout médecin ou professionnel de santé à déroger au secret lorsqu'il "estime en conscience" que les violences menacent la vie de la victime, et qu'il y a une situation d'emprise.
Après avoir suscité le débat au sein de l'hémicycle, certains élus pointant du doigt le risque d'une "perte de confiance" entre la victime et son médecin, un décret d'application de cette mesure est en préparation au ministère des Solidarités et de la Santé.