Les accessoires anti-ondes ''au mieux, sans effet''
Puces à coller derrière le mobile, brumisateurs anti-ondes, slips renforcés de fils d'argent... la peur des ondes électromagnétiques, qui accompagne le développement rapide de la téléphonie mobile et du wifi, fait naître un marché florissant d'accessoires censés protéger le corps humain.
Bien que les publicités pour des produits affirmant "protéger les utilisateurs contre les ondes nocives des portables" soient interdites par la loi depuis 2001, aucune preuve scientifique ne venant appuyer les allégations de leurs promoteurs, de tels dispositifs sont aujourd'hui aisément disponibles dans le commerce et sur Internet.
Les interrogations des consommateurs sur la nécessité d'une protection contre les nombreuses sources d'émissions éléctromagnétiques (1) ont trouvé écho dans la mise sur le marché de nombreux gadgets censés agir comme autant de boucliers. Or, "il n'existe aucune garantie que ces système présentent les propriétés vantées par leurs concepteurs" souligne l'ingénieur Joe Wiart, responsable du laboratoire de dosimétrie de la société Orange. Dans une interview récemment accordée à l'AFP, il se résoud à décrire l'ensemble de ces dispositifs comme des "gris-gris". Force est en effet de constater que les mécanismes que ces produits sont censés mettre en jeu trouvent bien peu de correspondance avec des processus ou des effets connus des physiciens.
Les spécialistes interrogés au cours de cette enquête manifestent tous leur profond scepticisme. "En entravant la réception ou l'émission, on force l'appareil à fonctionner à son niveau maximum pour se connecter au réseau" explique pour nous un membre de la Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP) de l'Organisation Mondiale de la Santé. "Comparé à l'objectif revendiqué", de tels dispositifs "peuvent même être contre-productifs". Interrogé par l'AFP, Jean-Philippe Desreumaux, directeur fréquences et protection de Bouygues Telecom, dresse exactement le même constat : "au mieux, ces produits sont sans effet et, au pire, ils aggravent la situation". "En masquant par exemple l'antenne avec un étui, l'appareil reçoit moins bien voire plus du tout le signal, [et celui-ci émettra] encore plus fort car il [n'arrivera] plus à joindre l'antenne relais".
Des promesses surprenantes
Pour des prix courant de 19 à 59 euros, nombreuses sont les marques de puces autocollantes ou de coques à promettre "d'absorber 99% des ondes" sans bloquer les communications, "grâce au "minerai volcanique" qui les composent. La plupart arguent de brevets qui, il faut le rappeler, ne sont relatifs qu'à la nouveauté des inventions, sans rien préjuger de leur efficacité éventuelle.
Chacune de ces "technologies" s'accompagne d'un lot de promesses qui laissent dubitatifs les ingénieurs interrogés par l'AFP. Ainsi, un fabricant de coque de smartphone affirme-t-il parvenir à "réduire l'exposition tout en optimisant le signal, en redirigeant [celui-ci] loin du corps et de la tête". "Je ne connais pas aujourd'hui de système ayant la capacité d'envoyer les ondes en-dehors de la tête", commente Joe Wiart, qui propose une solution scientifiquement validée - et bien moins onéreuse - pour les gens quiconque "se poserait des questions" sur la nocivité des ondes : "[A l'heure actuelle], la seule chose dont on soit sûr, c'est qu'éloigner de soi le téléphone réduit l'exposition, de manière mécanique." Un simple kit mains libres, souvent livré gratuitement avec les téléphones mobiles, pouvant parfaitement aider à réaliser cette prouesse.
Slips de Faraday
Parallèlement aux puces et étuis, d'autres produits proposés à la vente "peuvent très vite dériver sur des inepties", juge Joe Wiart. Sur Internet, divers cactus d'Amérique centrale "neutralisateurs" cotoient ainsi les CDs de musique promettant d'aider le corps à "combattre les ondes".
Ailleurs, outre le papier peint ou la peinture "anti-wifi", on peut ainsi acheter sur Internet des lits baldaquin aux voilages renforcés de fibres métalliques "pour dormir à l'abri des ondes", ou encore des slips tissés de fil d'argent "pour protéger la fertilité" des hommes qui rangent leur smartphone dans leur pantalon. "On ne peut pas dire que ces matériaux soient absolument inefficaces car ils sont utilisés dans certains milieux pour recréer l'effet cage de Faraday, mais dans la pratique c'est excessivement difficile de blinder une pièce car il ne faut aucune fuite ou ouverture" comme le sol, le plafond ou les fenêtres, estime M. Desreumaux. L'effet physique de "cage de Faraday" allégué existe ici bel et bien... mais sa mise en oeuvre comme son utilité dans les cas proposés restent donc très largement sujettes à caution.
(1) En 2011, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait attiré l'attention sur les liens potentiels entre radiofréquences électromagnétiques et risques de cancer. Les opérateurs de téléphonie mobile soulignent que les recommandations européennes en matière de niveaux d'expositions sont toutes respectées par l'ensemble des appareils du marché.
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- Association Française pour l'Information Scientifique
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