Les mutuelles, nouveaux régulateurs des dépenses de santé?
15,8% des Français déclarent renoncer à certains soins pour des raisons financières, selon l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES). Comment combattre ce phénomène ? Une proposition de loi souhaite permettre aux mutuelles de mieux rembourser ses adhérents s'ils ont recours à un établissement, un service ou un professionnel de santé ayant passé une convention avec une mutuelle. Les syndicats de médecins dénoncent une privatisation du système de santé et craignent une remise en cause de la liberté de choisir son praticien.
La proposition de loi est portée par Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale. Il vise à modifier le Code de la Mutualité pour permettre aux mutuelles de mieux rembourser leurs adhérents s'ils recourent à "un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé membre d'un réseau de soins", avec lesquels les mutuelles auront passé des contrats de qualité et de modération tarifaire.
Ces systèmes existent déjà pour les opticiens et les constituent des réseaux avec des opticiens ou des dentistes. Les mutuelles négocient les tarifs avec eux, ce qui permet aux adhérents d'avoir leurs lunettes ou leurs soins dentaires, moins chers et sans reste à charge par rapport à la couverture garantie par la mutuelle.
A la Mutualité Française, on indique que c'est un système gagnant-gagnant : "Nous mutuelles, cela nous permet de rembourser moins cher et aux opticiens, d'avoir plus de clients. Ainsi on baisse le coût des lunettes pour l'adhérent. L'idée des réseaux est de réguler les dépenses de santé sans priver l'adhérent de son libre choix".
Les mutuelles reconnaissent vouloir peser sur les tarifs de soin, mais se défendent de viser une privatisation de la santé : "La prise en charge par les mutuelles a surenchéri les prix de l'optique et du dentaire, en particulier. En refusant de solvabiliser les coûts exorbitants, en négociant les tarifs avec les professionnels de santé, nous positionnons comme complémentaire santé et non comme financeur principal".
Mais rien dans la proposition de loi n'indique que la disposition sera limitée aux soins dentaires et à l'optique. Certains imaginent déjà que ce système de réseaux pourrait concerner des médecins généralistes ou spécialistes, qui seraient mieux remboursés s'ils adhéraient à un réseau mutualiste. Cela reviendrait alors à choisir le médecin de la complémentaire santé, afin d'être remboursé.
Le risque c'est que les mutuelles puissent imposer à ses adhérents le choix d'un pédiatre, d'un rhumatologue ou d'un ORL en fonction des tarifs pratiqués.
Pour les syndicats de médecins libéraux ainsi que pour un syndicat d'internes (l'ISNIH), cette disposition porterait atteinte à la liberté de choix du médecin par les patients et peut-être à la qualité des soins.
La proposition de loi socialiste sera discutée le 28 novembre 2012 à l'Assemblée nationale.
En savoir plus
- Assemblée nationale
Texte de la proposition de loi visant à permettre aux mutuelles de mettre en place des réseaux de soins.