Les polluants chimiques épaissiraient les artères
Une étude suédoise établit pour la première fois un lien entre les polluants chimiques présents dans l'environnement et l'épaississement des artères. Des polluants présents dans la plupart des pays du monde.
Cette étude, toujours en cours, est menée dans la ville de Uppsala, au sud-est de la Suède. Les premiers résultats ont démontré un lien entre l'exposition à des polluants chimiques et le risque de souffrir d'athérosclérose. Cette maladie est due à une obstruction des vaisseaux, par des plaques de graisse le plus souvent. Elle se caractérise par un épaississement des artères pouvant conduire à des maladies cardiovasculaires.
1000 habitants, de 70 ans ou plus, sont suivis dans le cadre de ces recherches. Au moyen d'ultrasons, les auteurs ont constaté que les personnes qui avaient les taux les plus élevés de polluants dans le sang étaient aussi celles qui avaient les artères les plus épaisses.
La toxicité des polluants chimiques
On connaît depuis longtemps la toxicité de ces polluants chimiques, tels que les dioxines ou encore les polychlorobiphényles (PCB).
"Ce sont deux polluants persistants. Ils sont souvent extrêmement stables, c'est-à-dire pas ou peu biodégradables. Ils ne se décomposent pas avant des décennies. S'ils sont interdits aujourd'hui en France, on les retrouve encore dans la nature et on ne sait pas s'en débarrasser", explique Robert Barouki, professeur en biochimie à l'université Paris-Descartes et directeur d'une unité Inserm en toxicologie.
La contamination de la chaîne alimentaire
Utilisées des années 1930 et jusqu'aux années 70, ces composés ont servi à la fabrication de transformateurs électriques. Ils ont également été utilisés pour leurs propriétés isolantes et ignifuges lors de la construction des usines chimiques.
Lorsqu'ils sont rejetés dans l'environnement, ces polluants contaminent les sols et les nappes phréatiques. Les animaux ingèrent alors ces substances, et l'homme les retrouve, à son tour, dans son assiette. Particulièrement attirées par les graisses, ces composés s'accumulent dans les aliments les plus riches comme les poissons gras, les viandes grasses ou encore le lait non traité.
Une fois absorbés, les PCB et la dioxine, se stockent dans les cellules graisseuses des tissus adipeux et sur les parois internes des artères. Ils peuvent également se disperser dans le sang et dans l'ensemble des organes.
Habituellement face à des molécules étrangères, les récepteurs de notre organisme mettent en place un mécanisme de défense afin de détruire et évacuer ces molécules. Mais avec les dioxines et les PCB, ce processus ne fonctionne pas. La présence de chlore sur ces composés les rend très persistants, ils restent donc dans l'organisme.
Ainsi, comme le développe Robert Barouki : "si nous mangeons un produit qui contient du PCB ou de la dioxine, nous mettons plusieurs dizaines d'années à nous en débarrasser. Tout au long de notre vie, nous accumulons donc ces polluants dans notre corps ; plusieurs études ont d'ailleurs montré qu'avec l'avancée en âge, leur niveau augmente. Mais leur action toxique est modeste et s'excerce sur le long terme. Ainsi, la consommation d'aliments contaminés n'engendre d'effet néfaste que de manière chronique".
Le risque de maladies cardiovasculaires
"On sait encore peu de choses sur ces polluants chimiques et sur leur action sur l'organisme. La grande difficulté c'est que les effets de ces polluants sur l'homme n'apparaissent que 20, 30 ans après leur absorption. On ne sait donc pas déjouer leur action sur l'organisme", ajoute le Pr Barouki.
L'étude suédoise, publiée dans la revue américaine Environmental Health Perspectives, met donc davantage en cause ces polluants résistants. Ces composés sont capables de provoquer une inflammation des artères et de modifier le métabolisme des lipides, ce qui peut entraîner une athérosclérose et ainsi conduire à un décès du à une maladie cardiovasculaire.
Des polluants interdits
La toxicité de ces polluants chimiques a notamment été établie avec la catastrophe de Seveso, en Italie. En 1976, le réacteur d'une usine chimique laisse échapper un nuage de dioxine qui atteint la commune de Seveso. Les feuilles des arbres ont alors jauni et des dizaines d'animaux sont morts. Plusieurs années après les habitants ont, à leur tour, été touchés, atteints de chloracné, un trouble rare de la peau qui serait l'un des premiers symptômes dus à ces polluants chimiques. Ce n'est que beaucoup plus tard que des effets sur l'apparition de cancers ou de maladies cardiovasculaires sont apparus chez ces populations.
Les PCB ont eux été interdits en 1987 en France. Depuis 2003 un plan national prévoit la décontamination et l'élimination des appareils qui en contiennent.
Source : "Circulating Levels of Persistent Organic Pollutants (POPs) and Carotid Atherosclerosis in the Elderly",
Environmental Health Perspectives, 11 octobre 2011.
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Dans les médias :
- Rue89
- "Le pyralène : poison des poissons du Rhône", par Ophélie Neiman, 1er septembre 2007.
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