Maladies chroniques : comment assurer son prêt?
Aujourd'hui il est quasiment impossible d'obtenir un prêt sans avoir une assurance susceptible de prendre en charge les mensualités en cas de décès ou d'invalidité. Une étape très compliquée pour tous les patients atteints d'une maladie chronique. Pour faciliter les choses, un dispositif a été créé en 2007 : la convention AERAS (s'assurer et emprunter avec un risque de santé aggravé). Malgré tout, cela reste souvent un parcours du combattant…
Aujourd'hui quand on souffre d'un cancer ou que l'on est séropositif, on peut espérer vivre des années et donc avoir des projets : acheter une maison, monter son entreprise… Mais aux yeux des banquiers et des assureurs, ce n'est pas aussi simple. Vous êtes considéré comme "inassurable" avec les contrats classiques parce que le risque que vous deveniez invalide ou que vous décédiez avant d'avoir fini de rembourser votre prêt est beaucoup trop important.
Et de plus en plus de monde est concerné : tous les patients en affection de longue durée (cancer, diabète, hépatite…) mais aussi les personnes obèses ou encore les gros fumeurs. Au total, 13% des demandes d'assurance de prêt faites chaque année présentent ce qu'on appelle un "risque de santé aggravé".
Les apports de la convention AERAS
Le principe est de permettre un examen systématique et approfondi de votre demande d'assurance. Avant l'AERAS, quand un malade présentait son dossier pour obtenir une assurance, la plupart du temps on lui refusait sans aucune explication. Avec cette convention, si votre dossier ne vous permet pas de vous assurer aux conditions standards, il est automatiquement transféré vers un service médical spécialisé. Et si à ce deuxième niveau, votre demande n'est toujours pas acceptée, elle est transmise à un troisième niveau, à un groupe d'experts qui fera tout pour trouver une solution. Vous n'avez aucune démarche à faire, à part déposer votre dossier.
En revanche, il y a deux conditions à remplir : le montant total de vos prêts ne doit pas dépasser 320.000 euros (les crédits relais n'entrent pas dans le calcul) et vous ne devez pas avoir plus de 70 ans à la fin du prêt.
Encore beaucoup de refus
Malheureusement tout le monde ne peut pas emprunter. Cette convention AERAS n'instaure pas un droit à l'assurance, ni à l'emprunt. Si on prend les statistiques officielles de la Fédération des assureurs, le tableau est presque idyllique. Selon les chiffres 2011, 94% des demandes présentant un risque de santé ont reçu une proposition d'assurance de prêt, mais d'après plusieurs assureurs spécialisés contactés par nos soins, la réalité est un peu différente. Selon eux, la moitié des dossiers seraient acceptés. L'explication : les chiffres officiels ne prennent pas en compte les demandes qui ne sont pas allées jusqu'au bout, la plupart du temps parce que les patients ont abandonné, découragés par les dizaines de questionnaires et d'examens médicaux qu'on leur a demandé…
Au final, beaucoup de malades restent encore sur le carreau. Et cette situation est très difficile à vivre pour eux. Souvent la médecine les a déclaré guéris et le refus de l'assurance les renvoie à la maladie dont ils se croyaient libérés.
Les limites du système
Quand le patient n'est pas refusé, on lui fait presque toujours payer le prix du sur-risque lié à sa maladie. C'est loin d'être anodin puisque ce prix du sur-risque peut représenter jusqu'à 3 ou 4 fois la prime normale.
L'autre limite du système, c'est que certaines propositions d'assurance faites dans le cadre d'AERAS ne couvrent pas le risque d'invalidité. Ce risque existe par exemple pour les personnes souffrant de sclérose en plaques (SEP). La SEP est une maladie évolutive et à chaque poussée, il y a un risque pour que le patient devienne invalide, et les assureurs estiment qu'il est impossible de couvrir ce risque. Et avec une assurance qui exclut la garantie invalidité, il est compliqué de trouver un banquier qui accepte de vous accorder un prêt…
Améliorer la convention AERAS
Le principal reproche fait aux assureurs, c'est de ne pas suffisamment prendre en compte les progrès de la médecine et les avancées thérapeutiques. Un groupe de travail a donc été mis en place pour améliorer l'évaluation des risques pathologie par pathologie, mais cela va encore prendre du temps.
Autre point à améliorer : le questionnaire santé. Aujourd'hui on n'est plus obligé de prendre l'assurance proposée par sa banque, on peut faire jouer la concurrence, mais cela signifie qu'à chaque fois, il faut remplir un questionnaire médical différent voire refaire certains examens ce qui peut être éprouvant. Là encore, la convention 2011 prévoit l'entrée en vigueur d'un questionnaire unique, mais il n'a pas encore vu le jour.
Quelques conseils pour les malades
Le plus important, c'est d'anticiper. Dès l'instant où vous avez un projet, n'attendez ni d'avoir la banque, ni même d'avoir trouvé la maison de vos rêves, prenez rendez-vous avec un assureur pour commencer à constituer un dossier. Entre les questionnaires et les examens, les démarches peuvent prendre beaucoup de temps. Et même si vous tardez à trouver votre bien, pas d'inquiétude, un accord d'assurance est valable plusieurs mois.
Autre conseil : préserver la confidentialité. Votre conseiller bancaire n'a absolument pas à connaître les détails de votre maladie. Donc évitez de remplir le questionnaire santé dans son bureau. Vous avez la possibilité de répondre sous pli confidentiel directement au médecin conseil. Mais attention, cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut mentir sur votre situation. L'assurance peut à tout moment demander à vérifier les informations médicales. Et si vous avez fait une fausse déclaration, votre contrat peut être annulé sur le champ même si vous avez un souci de santé qui n'a rien à voir avec celui que vous avez omis de signaler…
Pour obtenir de l'aide, vous pouvez également contacter la ligne Santé Info Droits du CISS : 0 810 004 333.
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