Opter pour une simple surveillance de certains cancers de la thyroïde ?
Certains nodules thyroïdiens cancéreux pourraient faire l'objet d'une surveillance rapprochée et non de traitements agressifs d'emblée. Des experts ont mis en garde contre le dépistage et le surtraitement de cancers de la thyroïde de plus en plus petits et à faible risque de progression, selon un article publié mercredi 27 août 2013, dans The British Medical Journal.
De plus en plus de cancers de la thyroïde
Bien qu'il reste un cancer rare, le cancer de la thyroïde n'a cessé de se développer au cours des 50 dernières années passant de 1,5 cas pour 100.000 habitants dans le monde en 1953 à 7,5 cas/100.000 en 2002.
Rien qu'aux Etats-Unis, le nombre de nouveaux cas a triplé au cours des 30 dernières années, atteignant 11,6 cas pour 100.000 en 2009.
Malgré cette hausse, la mortalité associée à ce cancer est restée stable aux Etats-Unis, alors qu'elle est en baisse en France (375 décès l'an dernier contre 478 en 1999), malgré une multiplication par trois des nouveaux cas de cancers (8.211 en 2012 contre 2.531 en 1990), selon les chiffres de l'Institut national du cancer (INCa).
Mais des nodules cancéreux de plus en plus petits
Au-delà de l'impact de l'accident nucléaire de Tchernobyl, la hausse des nouveaux cas s'explique surtout par le dépistage de nodules thyroïdiens cancéreux de plus en plus minuscules (jusqu'à 2 mm), grâce aux nouvelles techniques d'imagerie. C'est ce que révèle le Dr Juan Brito et ses collègues de la clinique Mayo (Etats-Unis) dans leur étude.
Il s'agit essentiellement de micro-cancers dit de type papillaire, le plus fréquent, dont le pronostic est particulièrement bon, avec une survie proche de 99% à 20 ans et qui pourraient, selon eux, faire l'objet d'une surveillance rapprochée et non de traitements agressifs d'emblée.
Les risques liés aux traitements
Le traitement standard du cancer de la thyroïde est l'ablation chirurgicale de la thyroïde associée ou non à une cure d'iode radioactif.
Mais au delà de son coût, l'ablation de la thyroïde comporte des risques opératoires, tandis que le traitement à l'iode radioactif peut avoir des effets secondaires à court terme (inflammation des glandes salivaires), voire à long terme, avec un risque accru de leucémie (multiplié par cinq), selon les auteurs de l'analyse.
Un traitement hormonal substitutif doit par ailleurs être instauré à vie après l'opération de la glande thyroïde.
Dédramatiser le diagnostic
Les chercheurs proposent également de débaptiser ces micro-cancers afin de dédramatiser le diagnostic et permettre aux patients qui le souhaitent (notamment les plus âgés, ou ceux qui ont d'autres pathologies) d'opter pour une simple surveillance.
"L'étude dit publiquement ce que beaucoup de spécialistes pensent tout bas" commente le Pr Jean-Louis Peix, le chef du service de chirurgie endocrinienne au Centre hospitalier de Lyon-sud.
Mais s'il indique avoir refusé d'opérer des patients porteurs de microcancers papillaires de 2 à 3 mm "qui dans la très grande majorité des cas n'évoluent pas", il reconnaît que son exemple n'est guère suivi en France où les chirurgiens préfèrent "par prudence" opérer les patients.
"Tout le problème est de définir la frontière" pour éviter de se retrouver "deux ans plus tard avec des métastases ganglionnaires", ajoute-t-il.
Le cancer de type papillaire, d'excellent pronostic, représente environ 80% des cancers de la thyroïde.
Source : Juan P Brito, John C Morris and Victor M Montori, “Thyroid cancer: zealous imaging has increased detection and treatment of low risk tumours”, The British Medical Journal, published on August 27, 2013.
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