Sexualité des animaux : l'origine du sexe enfin découverte
Une incroyable découverte sur l'origine du sexe a été publiée dans la revue Nature, dimanche 19 octobre 2014. La première espèce animale à avoir développé l'acte de copulation, il y a 385 millions d'années, serait un poisson. Son nom : Microbrachius dicki. Les explications avec Farah Kesri, vétérinaire éthologue.
La première espèce animale à avoir développé l'acte de copulation, il y a 385 millions d'années, serait une espèce de poisson aujourd'hui éteinte : le groupe des placodermes, des poissons munis de plaques qui servent de carapace. À l'origine de cette découverte, un paléontologue australien : le professeur John Long de l'université Flinders. Il a étudié des spécimens de fossiles placodermes et plus précisément des Microbrachius dicki. Microbrachius signifie petits bras. Cette espèce qui mesure environ 8 cm de long, a vécu dans les mers entourant l'Ecosse, l'Estonie et la Chine.
Chez le mâle, l'appendice sexuel se présente par paire, chacun en forme de L. On les appelle des ptérygopodes, on trouve l'équivalent dans certaines espèces de poissons actuelles comme les requins et les raies. Chez ces espèces, l'organe copulateur est issu de la modification de la nageoire pelvienne, parfois il s'agit de la nageoire anale. La différence, c'est que contrairement aux requins, l'organe de microbrachius est totalement osseux mais il permettait tout de même de délivrer du sperme vers l'organe femelle.
Un poisson à l'origine des relations sexuelles
Le fait que l'organe du microbrachius soit osseux ne pose pas vraiment problème puisque dans plusieurs espèces (chien, chimpanzé...), le pénis renferme un os (Baculum) mais il est mobile et n'est pas relié au squelette. Or, ce n'est pas le cas pour microbrachius. Son organe osseux est relié au tronc squelettique, ce qui complique l'intromission. Alors pour pallier cette difficulté anatomique, le professeur et son équipe ont imaginé une parade.
Mâle et femelle se maintiennent par leur nageoire caudale et pour bien se positionner, le mâle effectue l'intromission par le côté. Ce n'est que de cette façon que la copulation est possible. La femelle contribue aussi puisque grâce aux deux plaques qui entourent son orifice génital (cloaque), elle maintient l'organe mâle au moment de l'accouplement.
L'héritage des ptérygopodes
Nous pouvons dire que nous avons hérité de ces poissons grâce à la phylogenèse, c'est-à-dire en étudiant les liens de parenté entre les groupes d'espèces. On suit la présence d'une caractéristique anatomique au cours de l'évolution. Par exemple, la première espèce de vertébrés ayant une mâchoire sont les placodermes. Nous avons hérité d'eux leur mâchoire articulée ainsi que les dents et le fait d'avoir des organes par paires. Le professeur Long a complété cette phylogenèse avec les ptérygopodes.
Vous pouvez retrouver l'organe copulateur des placodermes chez différentes espèces au cours de l'évolution. Le professeur Long a noté que cet organe avait disparu chez certaines espèces et réapparu chez d'autres. Il a été maintenu chez les raies mais la forme osseuse est devenue cartilagineuse, elle est restée en partie osseuse chez certains mammifères mais est devenue mobile. Et c'est à partir de l'apparition d'espèces comme les crocodiles qu'on retrouve un pénis plus proche de celui de l'humain.
Le début du dimorphisme sexuel
Ces poissons sont la première espèce où l'on voit des différences physiques entre mâle et femelle, c'est le début du dimorphisme sexuel. C'est la première branche dans l'évolution où l'on voit apparaître une nouvelle stratégie de reproduction sexuée. Avant, la fécondation était uniquement externe, c'est-à-dire que les œufs étaient émis dans l'eau puis fécondés par le sperme toujours à l'extérieur du corps avec aussi un développement des petits à l'extérieur.
Mais avec les placodermes et l'apparition d'organe capable de copuler, la fécondation interne devient possible et cela ouvre de nouvelles possibilités de vie, jusqu'aux mammifères et l'homme. Mais on ne peut pas réduire la sexualité à cette capacité à copuler, surtout à l'échelle de l'évolution. Les chercheurs qui travaillent sur l'apparition de la sexualité pensent que tout a commencé à l'époque des premières cellules de vie, il y a environ 2,8 milliards d'années. C'est la théorie des bulles libertines. Mais c'est une autre histoire...
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